Si le titre comporte bien le mot « jaune », il faut bien admettre que ce film méconnu doit peu au giallo alors à bout de souffle à la fin des années 70. En effet, à partir de 1975, le genre peine à se renouveler, ne retrouvant qu’à de rares occasions l’inspiration survoltée des débuts. On peut sauver dès lors le magnifique Solamente nero d’Antonio Bido et l’impressionnant L’emmurée vivante de Lucio Fulci mais déplorer aussi certains sous produits racoleurs tels Sister of Ursula.
L’affaire de la fille au pyjama jaune est davantage redevable à l’enquête policière classique qu’aux déviances d’un genre fétichiste révolu. Construit en deux parties distinctes, avec un montage parallèle à l’appui, ce drame criminel s’inspire d’un fait divers, un meurtre irrésolu dans les années 30. Le cadavre d’une jeune femme défigurée, portant donc un pyjama jaune, est retrouvé sur une plage. Deux inspecteurs que tout oppose, le jeune intello fraîchement promu avec ses théories sur les meurtres sexuels et sa psycholologie de comptoir, et le vieux briscard, Thompson, à la retraite, mènent l’enquête. Un suspect est appréhendé. C’est une sorte de vieux pervers hirsute vivant dans un lieu délabré au bord de la mer. Evidemment, il a tout du coupable idéal mais Thompson est convaincu de son innocence. En corrélation, un autre récit se dessine. Une jeune femme libérée, Glenda, tombe amoureux d’Antonio avec qui elle se marie. Mais elle continue à voir d’autres hommes : un professeur d’Université d’un certain âge et un bellâtre maître nageur. Si la première demi-heure agence habilement les deux récits qui, en apparence, n’ont rien à voir, il n’est pas nécessaire d’être Sherlock Holmes pour deviner l’astuce scénaristique brouillant les pistes temporelles. Séparément, les deux récits pourraient être ennuyeux. L’intrigue policière s’avère bavarde et n’avance guère. Tandis que les pérégrinations amoureuses et sexuelles de Glenda s’enlisent souvent dans les archétypes du roman photo le plus clinquant. Mais étrangement, grâce à une approche subtile du montage, L’affaire de la fille au pyjama jaune parvient à captiver. La question n’est plus de savoir qui a commis le crime mais comment et pourquoi a-t-il été commis ? Du coup, sans révolutionner le thriller transalpin, cette incursion dans le genre s’avère plus que comestible.
Pourtant les premières images inquiètent. La découverte du corps de la victime est maladroitement amenée sur fond d’une musique peu inspirée de Riz Ortolani et surtout gâchée par la chanson interprétée par Amanda Lear, tube indigeste qui revient un peu en boucle.
Tourné en partie en Australie pour les extérieurs, ce film policier sympathique tourne le dos au giallo codifié en n’inscrivant pas son univers diégétique au cœur d’un décor oppressant et souvent latin. La lumière surexposée (à quelques spots rouges et verts prêts) et l’architecture moderne peuvent à la limite anticiper ce qui sera l’ultime giallo dans les années 80, le définitif Ténèbres. Dans la caractérisation de personnages secondaires iconoclastes, on peut aussi y voir l’influence des premiers Argento, qui se plaisait à dessiner des silhouettes atypiques.
Flavio Mogherini, spécialistes de comédies de seconde zone, s’avère être un réalisateur compétent. Sa mise en scène classique révèle peu de fautes de goûts visuels si ce n’est la bande son disco qui égratigne les oreilles. La séquence la plus étrange, reste celle du musée où le corps de la victime est exposé en vitrine devant les gens, fascinés par ce corps mutilé. Un des rares moments vraiment morbides et déviants d’une œuvre au classicisme assumé.
La direction d’acteurs est également impeccable. Dalila Di Lazzaro (Phenomena) est très crédible en jeune femme instable faisant tourner la tête des hommes. Michele Placido possède un jeu assez subtil malgré son physique de jeune premier. Howard Ross (Le triomphe d’Hercule, L’éventreur de New York), figure incontournable du bis italien, tient son rôle avec professionnalisme même si son sourire permanent peut énerver. Mais c’est Ray Milland (Le crime était presque parfait, L’enterré vivant) , en flic retraité, qui s’avère, sans surprise, le meilleur, insufflant à un rôle ultra-conventionnel, une vraie présence humaine.
Sans atteindre les cimes d’un genre auquel il n’appartient pas vraiment, L’affaire de la fille au pyjama jaune, qui ne comporte que peu de meurtres et reste très timide en matière d’érotisme, se suit avec un certain plaisir. Un bon petit produit de consommation confectionné avec soin d’autant que le film est présenté dans une belle copie.
(ITA/ESP-1977) de Flavio Mogherini avec Dalila Di Lazarro, Ray Milland, Michele Placido, Howard Ross
Edité par Le chat qui fume
Langues : Italien. Sous-titres : Français. Format film : 1.85 d’origine 16/9 compatible 4/3. Couleur. Durée : 97 mn
Bonus :
Giallo en Australie : Howard Ross
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