Summer Wars


Résumé

Kenji est un jeune étudiant féru de mathématiques. Natsuki l’invite à la campagne pour une réunion familial du clan Jennouchi, autrefois très puissant. Kenji apprend un peu tard qu’il doit jouer le rôle du petit ami afin de ne pas décevoir la grand-mère de Natsuki. Mais pendant le séjour, la sécurité du monde virtuel « Oz » est compromise car quelqu’un a craqué la clé de cryptage.  Les médias identifient vite Kenji comme étant l’auteur du piratage. Après quoi, une intelligence artificielle prend le contrôle d’Oz et sème le chaos à travers le pays. Dès lors, la famille Jennouchi va tout mettre en oeuvre pour stopper le hacker.

Critique

Comme d’habitude, lorsqu’il s’agit d’évoquer les nouvelles technologies, les japonais ont dix d’avance sur les autres. Summer Wars est un film d’anticipation, dans le sens où il nous présente un Internet totalement convergent, dénommé Oz dans le film. Aujourd’hui, les réseaux sont encore scindés. Mamoru Hosoda fait donc l’hypothèse d’un réseau qui aurait mis en commun toutes les informations de toutes les applications existantes. Navigation par GPS, jeux en ligne comme world of warcraft, boîtes mail, réseaux sociaux, messagerie instantanée, tout serait relié dans le monde d’Oz.

Le scénario pousse un peu plus loin l’utilisation des technologies de l’information dans le monde moderne. La signalisation routière est gérée par le biais d’Oz, de même que le débit des réseaux d’énergie (eau, gaz, électricité) et les interventions des services de secours (pompiers, ambulance).

Le postulat n’est pas vraiment fantaisiste car tous ces éléments de la vie réelle utilisent déjà les réseaux informatiques et pour certains Internet. Tous les flux de données et tous les médias (télévision, vidéo, texte, musique, courrier, téléphonie) subissent une dématérialisation ou une conversion de l’analogique vers le numérique avant d’être poussés sur le Réseau Global. La seule différence entre le film et le réel réside dans le fait que les informations sont protégées (par cryptage) et ne sont pas accessibles par une entité unique. Néanmoins, Google est le candidat idéal pour devenir notre futur Big Brother. Il fait tout (moteur de recherche, messagerie, géolocalisation, statistiques),  il a de grandes ambitions et, avantage non négligeable, tout le monde l’utilise de son plein gré !

On se connecte à Oz d’une manière ou d’une autre : portable, PC, télévision, etc. Visuellement il s’agit d’un hypothétique web 3.0 avec des avatars kawaï souvent niais, parfois pixellisés, selon le bon vouloir des utilisateurs. Les décors d’Oz sont construits en images de synthèse 3D, avec des mouvements de caméra virevoltants et des graphismes au design délirant, comme cette mégalopole formée par un amoncellement de pagodes en apesanteur.

L’intelligence artificielle qui pirate Oz s’appelle Love Machine. C’est une monstruosité, comme ne l’indique pas son nom. Il se nourrit des comptes des utilisateurs et donc des avatars de chacun, au point de former un monstre géant composé de millions de minuscules avatars. Seul le blu-ray permettra d’apprécier la minutie dans la composition de ce monstre virtuel.

Le but de Hosoda est de montrer qu’il existe des passerelles entre monde réel et monde virtuel, et que les deux ne sont pas forcément antinomiques. La grand-mère est un des derniers représentants du vieux monde analogique. La preuve : pour passer ses coups de fil, elle se sert d’un téléphone… à cadran ! Mais les anciens canaux de communication sont toujours en état et un vieux poste analogique peut joindre un iPhone sans problème ! Ceci montre que les réseaux sociaux à l’ancienne (un répertoire de numéro de téléphone) ont toujours leur utilité.

Aujourd’hui, nous n’avons pas encore eu l’occasion de faire un retour arrière technologique. Mais il n’y a jamais eu de panne « globale » d’Internet, ce qui est envisageable. Imaginons un instant l’impact d’une absence d’Internet dans tout un pays pendant seulement une journée… Ceux qui sauront s’en sortir seront munis de papiers et de stylos !

Mamoru Hosoda semble être un grand optimiste. Malgré la profusion de technologie, c’est toujours l’humain qui prévaut. Pour illustrer le fait que le réel et le virtuel sont étroitement liés et interdépendants, il fait des allers-retours entre le monde passé respectueux des traditions, et le monde moderne mu par les événements se déroulant sur le réseau. Ainsi, la stratégie établie pour contrer l’interlligence artificielle puise son inspiration dans les batailles médiévales du clan Jennouchi. De même, le jeu final contre Love Machine et choisi par la jeune Natsuki est le Hanafuda, un jeu de cartes traditionnel japonais que l’on a l’habitude de pratiquer en famille.

Il nous montre aussi que certaines choses restent bien ancrées. Alors que les femmes s’occupent du deuil, des enfants et du repas, les maris et frères se préparent à la bataille, même si elle est virtuelle.

Summer Wars, que l’on pourrait traduire par guerres estivales, traduit bien le paradoxe qui règne dans tout le film. Du côté d’Oz, c’est quasiment une guerre mondiale qui se déroule. Mais les protagonistes sont en vacances à la campagne, sous le soleil. Hosoda dresse un constat particulièrement lucide. Il faut être à la fois dans la technique pour la comprendre et en dehors, pour en saisir les conséquences. En simplifiant un peu, on a en général soit l’un soit l’autre. D’un côté les « jeunes » qui font une confiance aveugle à Internet. De l’autre côté, les « vieux » qui diabolisent le média. Hosoda dit que le réseau social n’est pas forcément le mal car il permet une communication rapide et donc une solidarité accrue, puisque instantanée et planétaire à la fois.

Mais il véhicule aussi une belle morale sur l’importance de la famille. L’essentiel est de réunir tout le monde autour d’un bon repas ! C’est peut-être un peu naïf mais pas forcément stupide. On retrouve la crainte de l’apocalypse atomique japonais, avec usage du compte à rebours. Ici c’est une capsule spatiale piratée par Love Machine qui menace de s’écraser sur une centrale nucléaire. Pourquoi cet élément capilotracté alors qu’il suffisait d’arrêter le refroidissement de la dite centrale ?

Summer Wars est un film qui évoque la transition vers le 21ème siècle, l’abandon de l’analogique vers le tout numérique. C’est un film avant-gardiste qui semble posséder un certain recul sur notre propre époque, ou du moins sur les évolutions après l’an 2000, et qui fait une bonne analyse sur l’utilisation de la technologie. A l’inverse d’un discours réactionnaire, Hosoda semble dire que la profusion d’informations et la rapidité du média n’est pas forcément un problème. L’avenir nous dira s’il a raison.

Le film est disponible chez l’éditeur Kaze en dvd, blu-ray édition simple et blu-ray édition collector avec un dvd de bonus.



A propos de Jérôme

toute-puissance mégalomaniaque, oeil de Sauron, assoiffé de pouvoir et d’argent, Jérôme est le father de big brother, unique et multiple à la fois, indivisible et multitude, doué d’ubiquité. Il contrôle Cinétrange, en manipulant l’âme des rédacteurs comme des marionnettes de chiffons. Passionné de guerre, il collectionne les fusils mitrailleurs. Le famas français occupe une place d’exception dans son coeur. C’est aussi un père aimant et un scientifique spécialisé dans les nouvelles technologies de l’information. Pour faire tout cela, il a huit doppel gangers, dont deux maléfiques. Il habite au centre du monde, c’est-à-dire près de Colmar.

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