Pour honorer le mois d’avril et ses poissons, April’s Fool Day tombe à pic avec son esprit de petit plaisantin.
April’s Fool Day, de Fred Walton, réalisateur de Terreur sur la ligne (When a stranger calls ), est une sorte d’anti-slasher, et suivant l’opinion, une comédie, allez savoir… Est-ce du lard, du cochon, du poisson ?… L’histoire est des plus simplistes, slasher oblige, et pourtant, si vous ne l’avez pas vu, évitez la suite si vous voulez garder quelques surprises.
Les mois d’avril seraient-ils meurtriers ? Une bande de jeunes embarque sur un ferry. Ils sont aussi dissemblables qu’on puisse l’imaginer, la rate de bibliothèque qui dévore le Paradis Perdu de Milton côtoyant un freluquet qui mate de la pornographie. Un jeunot fait alors semblant de se prendre un cran d’arrêt dans le ventre. Ce qui n’est en fait qu’une blague de mauvais goût comme il y en aura un nombre conséquent tout le long. Un accident, réel cette fois-ci semble t-il, blesse au visage un garçon du groupe. Les rescapés sont tous invités pour la fête organisée par une de leur pair, la fille à papa friquée Muffy St-John, sur une île pour le week-end du premier avril. L’endroit où ils festoient a extérieurement un petit air de Crystal Lake. Pour perpétuer les us et coutumes de la douce villégiature campagnarde de Jason, la farandole d’assassinat bat son plein, et ce toujours hors champ. Les rebondissements suivent le déroulement d’un Vendredi 13 alternés avec des « gags ». Entre autres macabres déconvenues, une fille descend dans un puits pour récupérer sa lampe torche et glisse dans l’eau croupie pour se retrouver en tête-à-tête avec des cadavres. La température ambiante vire à la paranoïa des Dix Petits Nègres d’Agatha Christie lu en diagonale. Leur hôtesse au tempérament décalé est vite considérée comme la suspecte numéro 1. Les faux indices, fausses pistes et fausses disparitions nous amenant vers l’explication et l’ultime sursaut… tout aussi chiqué. Twist again ?
Sous des dehors de mécanique de foire, toute cette affaire pourrait au second degré s’apparenter à une entreprise hardie de manipulation du genre sans le filigrane intellectuel des Scream de Wes Craven. Soit grandement malin, soit gravement limité, je vous laisse juges. En 1986, la fabrication des maniaques aux grands couteaux tourne dans le vide, et il faut sans doute y voir la volonté de Walton de déstructurer la chose de façon ludique. Le mariage entre humour et épouvante est sans nul doute l’un des exercices les plus ardu, ce n’est ainsi pas un hasard qu’il y ait si peu de réussites franches et tant de ratés honteux.
Le procédé devançait largement en avance les « twits de l’espace » et l’ironique distanciation dans le slasher à la fin des années quatre-vingt dix qui caresse la qualification de cynisme. Le titre américain ne ment pas, c’est bien une blague… un slasher sans aucun mort ! C’est à se demander si cette farce n’est pas jouée au détriment de l’amateur. Ce pied de nez conclusif sur l’air de « je te fais un coup de coude car tout ceci n’est pas bien sérieux, voyons » empêche toute implication. L’épouvante se nourrit de la suspension d’incrédulité et casser l’effet déclencheur de la peur par son contrecoup (un drame / désamorçage du drame) nous conduit à nous ficher comme d’une guigne de ce qui s’agite à l’écran. Tout se vaut.
Le Week-end de Terreur nouvelle formule sortira le 21 mai en DTV dans le pays de Molière sous le nom d’Avril Sanglant. Pour certains, il semblerait donc qu’il y ait un intérêt à recommencer ce film qui repose sur ses coups de théâtre finaux et son style emberlificoteur. La filmographie de Walton est courue par les producteurs qui apprécient les juteuses remises à jour puisque son Terreur sur la ligne avait déjà vu naître une version 2006, dans la vaste opération de recyclage de tous les slashers connus entre 1970 et 1990 (Prom Night, et tant d’autres… À retenir, le très réussi Black Christmas). En tout état de cause, comment ne pas soupirer devant la politique compulsive des remakes à l’heure où est envisagé celui de [Rec], film qui n’a pas encore été projeté sur les écrans français, pour le motif fallacieux qu’il n’a pas eu la chance d’être né yankee ? Et là, si c’est un poisson, il n’est pas de première fraîcheur…
j’adore ta façonh d’écrire