Oeuvre gigantesque de quatre heures (plus long que les romances à rallonge de Bollywood), Love Exposure est un film facile à avaler grâce à une mise en scène rythmée et changeante. Mais les choses se compliquent un peu à l’assimilation. Que penser en effet, de cet OFNI qui évoque des choses aussi contradictoires que la religion catholique au Japon, les photos prises par les voyeurs sous les jupes, la bluette adolescente et des références explicites à Scorpion (héroïne vengeresse du cinéma japonais). Sion Sono, poête et écrivain, nous parle de beaucoup de choses et dévoile un univers personnel centré sur des personnages hauts en couleur.
Yu Honda est un adolescent modèle, élevé par son père, un prêtre catholique. Tout se passe pour le mieux mais La situation va changer quand débarque Kaori, une femme exhubérante, qui va littéralement violer le père de Yu. Celle-ci en profite pour embrasser la confession catholique jusqu’à devenir très pieuse. Mais Kaori, un peu trop passionnée et quelque peu hystérique, quitte le foyer du jour au lendemain pour un autre amant. Ravagé, le père abuse de son statut de prêtre pour terroriser son fils. Chaque jour, il lui demande de confesser ses péchés. Malheureusement Yu est trop bon et pour satisfaire son père, il va d’abord s’inventer des péchés puis en faire délibérément !
Nous faisons ensuite la connaissance de Yoko, l’androphobe. Elle aussi a subi les agressions répétées de son père, ce qui l’a rendue complètement allergique à la totalité des hommes. Grâce à ses talents en arts martiaux, dès qu’elle peut rosser un homme, elle n’hésite pas.
Enfin, il y a Aya. Elle figure parmi les leaders de « l’église zéro », une secte qui vise à laver le cerveau de tous ses fidèles. Tout comme Yu et Yoko, elle a été violentée par son père dans sa jeunesse et grâce à ses sbires, elle manipule les esprits à des fins machiavéliques.
Avec tous ces parents abusant de leurs enfants, on n’est pas loin de Kids, de Larry Clark. Pourtant, le traitement de Sion Sono est tout autre. L’espoir est toujours présent et une vie ne dépend pas seulement des traumas de l’enfance mais aussi des choix d’adultes. Les destins de ces personnages vont donc s’entrecroiser dans un jeu scénaristique de haute voltige. Yu et Yoko sont faits pour se rencontrer (on parle de miracle) mais Aya va mettre au point un plan diabolique pour les séparer, rendre Yu fou et intégrer Yoko à la secte.
Quatre heures, ça fait long, et pourtant le réalisateur parvient à nous entraîner dans son univers. Car dans un premier temps, il brosse le portrait de chacun de ses personnages grâce à de petites saynètes. Puis le spectacle commence, soutenu par le boléro de Ravel : toujours le même schéma de mélodie mais à chaque répétition, il y a quelques modifications. Ces modifications deviennent finalement une évolution du morceau. Le scénario subit le même genre de changements. Les couples et les familles se font et se défont, le schéma se répète (un père violent) et la tension dramatique augmente, jusque ce que les personnages se retrouvent dans des situations inextricables et tragiques. Voilà comment, Sion Sono passe progressivement de la sitcom pour ados au drame shakespearien.
On serait tenter de tirer des leçon et des messages sur la religion, les sectes et les hentaïs (les amateurs de perversions). Mais Sion Sono propose bien plus que cela. Son film est avant tout une fresque centrée sur ses nombreux personnages, et la durée lui permet de développer les personnalités et les motivations dans le détail. Tout au plus, il stygmatise l’hypocrisie que chacun emploie à un moment donné dans sa vie. Tous utilisent des chemins détournés (la religion, la secte) pour exorciser leurs démons intérieurs. Mais Sion Sono évite tout cynisme et nihilisme. D’humeur optimiste, il réserve une rédemption pour tous ses personnages. Et tout est bien qui finit comme dans un conte de fées !
Afin de nous maintenir en haleine, Sion Sono s’autorise des ruptures de ton audacieuses (auxquelles l’on accrochera ou pas). Ainsi, on sombre dans la comédie ras-des-pâquerettes lorsque Yu, n’arrive à avoir une érection qu’en présence de Yoko. Et Yoko de ne désirer Yu que lorsqu’il est déguisée en femme « scorpion » ! On remonte le niveau lorsque Yu tente de « déprogrammer » Yoko de la secte en improvisant un rapt au bord de la mer, moment suspendu tout en contemplation. Love Exposure contient son lot de scènes hallucinantes. On citera les techniques complexes de kung-fu pour prendre discrètement des clichés de sous-vêtements sous les jupes. On pourra aussi s’étonner de cette longue citation presque hurlée, sous forme de monologue, d’un passage de la bible (les Corynthiens, chapitre 13) dont Mamoru Oshii est aussi très friand. Love Exposure est donc très généreux, dense, mais sans être illisible ou hermétique. Bien au contraire, la durée permet à Sion Sono d’être à la fois intelligent et léger et de nous faire éprouver un large panel d’émotions, ce qui est plutôt rare.
Le film est disponible en dvd en Angleterre. VO sous-titré anglais. Edité par Third Window Film.
Waow, quel film ! A découvrir, vraiment !
Autant Suicide Club m’avait pris par surprise et frotté les oreilles, autant j’ai eu l’impression de retrouver dans Love Exposure pas mal de trucs dans-l’air-du-temps. Le questionnement des structures & institutions japonaises qui travaille Kioshi Kurosawa. Les guedineries adolescentes des deux derniers Park Chan-wook, les cathos en Asie… C’était un peu long, aussi, et ça m’a semblé plus normal, plus académique que SC.
Ceci dit. Sion Sono reste un garçon foufou hors catégorie. Le genre qui mâche des clous rouillés et porte des débardeurs en escalope de poulet. Dieu soit loué, on a donc droit à quelques séquences tarabiscotées au taquet : entraînement au kung-fu du voyeur, montage flux film d’une horde de flics montant un escalier, intérieurs indiscernables entre geôle, scène de théâtre et hôpital psychiatrique…
Sono est un garçon de visions. M’est avis qu’il devrait plus suivre ses impulsions que tenter de tenir une narration pas captivante.
Perso, je me passe assez bien des dialogues hurlés, des mouvements hystériques, du blabla biblique mal digéré et des litres de sang rose aspergé tout alentour. Donnez-moi un demi-chien, une plage au milieu des ruines, des gens qui rampent dans des sacs en jute et je suis le plus heureux des hommes.
(COLD FISH est le prochain opus du Maître, produit par les pornocrates gores de la Nikkatsu : http://www.sushi-typhoon.com/films/coldfish#)
Film unique en son genre !
Particulièrement long mais il vaut le coup.
Ou peut-on le voir ? Vous habitez tous au Japon ou quoi ?
Dispo en DVD Import avec sous-titres Anglais, c’est marqué en bas de l’article…