Un soldat tunisien participe à des patrouilles dans le désert. A la mort de sa mère, il obtient une permission d’une semaine. Il décide de ne plus réintégrer l’armée. Se retrouvant poursuivi par les autorités, il fuit.
Une femme enceinte s’ennuie dans sa luxueuse demeure. Elle décide d’aller explorer la forêt et tombe sur un ermite.
Dire que Sortilège décontenance le spectateur est un doux euphémisme. Sur un schéma de fugue, Ala Eddine Slim ne cesse de divaguer et diverger, notamment dans sa première partie. On ne comprend pas les motivations de son personnage principal. Pourquoi abandonne-t-il son poste ? Où va-t-il fuir ? Il ne semble pas avoir de plan précis. De plus, il est totalement muet, ce qui ne nous aide pas à avoir plus d’explications. A la moitié du film, l’homme fuit complètement nu, traverse un cimetière et rejoint la forêt, un impressionnant plan séquence long de plusieurs minutes.
Le voyage n’est pas désagréable pour qui aime se perdre. Le réalisateur nous fait visiter sa ville, Tunis, avec ses endroits bizarres, ses terrains vagues et ses feux de rue. L’homme erre d’un quartier à un autre et finit par opérer un retour à la nature.
Dans la deuxième partie, les lieux choisis sont emprunts d’étrangeté. Ainsi, l’ermite vit dans le sous-sol d’une espèce de château d’eau au milieu de la forêt. L’homme ressemble autant à un vagabond qu’à un chaman. Il va développer une relation étrange avec la femme enceinte. Pas de dialogues, ils communiquent uniquement par les yeux.
Le film semble vouloir nouer des liens avec le cinéma de Kubrick qui a probablement marqué profondément Ala Eddine Slim. On retrouve les soldats et le suicide de Full Metal Jacket, le monolithe noir de 2001. Mais heureusement le film trace sa propre voie. Fait de moments disparates, d’idées abstraites ou simplement d’images intuitives, Sortilège ressemble plus à de la poésie filmée qu’à un film « classique » avec une narration linéaire. Certaines scènes pourront paraître gratuites, d’autres avec un sens caché. Il est certes un peu difficile de trouver un écho dans chaque moment mais les diverses expérimentations valent le détour, au sens propre.
Ajoutons à cela que le groupe français Oiseaux-Tempête a composé la musique. Celle-ci est planante, constituée de longs bourdonnement (certains morceaux appartiennent au genre « drone »), de bruitages mais par dessus tout de sonorités synthétiques et planantes. Le travail sur la musique, sur la direction d’acteurs relève du même processus, un habile mélange d’improvisation de nature organique. Il en résulte une œuvre qui tient plus du trip que du film.
Dvd édité par Potemkine