Beetlejuice Beetlejuice (Beetlejuice) 2


L’article contient quelques spoilers.

J’avoue avoir laissé tomber Tim Burton après Sleepy Hollow et j’ai regardé d’un oeil distrait son Alice au pays des merveilles. J’étais sceptique sur le retour du maudit Beetlejuice tant les remakes et reboots de ces dernières années ne font que prouver un profond manque d’originalité et d’imagination. Mais oyé, oyé, Tim Burton est ressuscité !

La bonne idée a été de reprendre le concept d’origine sans chercher à l’améliorer. On n’ajoute pas de multiverse, on ne rallonge pas la sauce sur 2h30 et on ne fait pas de méta-machin. Beetlejuice Beetlejuice est un film candide, un film d’antan comme si Tim Burton l’avait réalisé dans sa jeunesse. Jamais il ne cherche à s’élever en essayant de faire le malin. Par contre, le film est une célébration qui comble les yeux et les oreilles, une grosse teuf bordélique où participent toutes les créatures chéries par Tim Burton, qu’elles soient réelles ou imaginaires.

Il s’en dégage une nostalgie qui n’est pas triste, mais au contraire profondément enthousiasmante. Le film emprunte une structure de « train fantôme », enchaînant les péripéties et les poursuites dans un bazar qui pourra décontenancer. Malgré son aspect principalement cocasse, l’histoire aborde aussi quelques thèmes intéressants comme le choc des générations. En effet, Lydia, sa mère Delia et sa fille Astrid se confrontent tout au long de l’histoire, dans leur vision du monde et leur façon d’être en couple. Delia, la grand-mère, voue un culte à son mari alors même qu’il est décédé. Lydia tente de rebondir après le décès de son mari mais tombe sur un fiancé profiteur et imbu de lui-même. Astrid quant à elle, veut profiter de la vie et du coup de foudre, mais va tomber sur un jeune homme toxique. La sororité mère-fille sera leur planche de salut.

Encore plus en filigranes, le film évoque aussi le clash entre le passé et le moderne, avec la Tesla omniprésente que conduit Lydia. On égratigne aussi la psychologie de comptoir que l’on oppose à l’honnêteté (la dialogue entre Lydia et son futur beau-père à l’enterrement). Mais ces jeunes et ces vieux se retrouvent ensemble pour Halloween, qui pourrait être le symbole ultime de Tim Burton, qui a toujours vu la mort comme quelque chose de joyeux.

Sans surprise, le réalisateur pioche donc allègrement dans l’imagerie d’horreur surannée. Forcément, l’histoire se déroule à quelques jours de la fête des morts ! Le réalisateur organise un long défilé de monstres avec en tête de cortège, Monica Belluci en femme « frankenstein » recousue, version live de Sally dans L’étrange Noël de Monsieur Jack. Malgré un temps d’écran assez faible, sa présence irradie le film. Elle a du flow.

Beetlejuice reste le vrai anti-héros de ce film. Rappelons que ce démon, avec sa tignasse hirsute et ses chicots, est un concentré de d’égoïsme, de sexisme, de paresse et de vulgarité. Cependant, sa médiocrité nous touche et grâce à ses tours de passe-passe, il permet tout de même à nos héroïnes de se sauver de situations infernales. Michael Keaton, âgé de plus de 70 ans, l’interprète avec une énergie folle. Il déclame avec fougue ses dialogues salaces et multiplie les mimiques burlesques, inspirées par Buster Keaton ou Tex Avery.

Le personnage d’Astrid interprété par Jenna Ortega reste assez peu développé, ce qui est dommage. En contrepartie, cela laisse la place à une galerie de personnages secondaires délirants. Il y a ce Wolf Jackson, flic-acteur trépané joué par Willem Dafoe. Ca n’a pas vraiment de sens car le personnage sort de nulle part mais on voit que l’acteur prend un malin plaisir à cabotiner à outrance, et ce plaisir finit par se transmettre au spectateur.

Pour finir, il faut souligner la générosité visuelle et l’inventivité du « lore », composé de mille détails et qui rendent peut-être le film original de 1988 un peu désuet et mou, quitte à choquer les fans de la première heure.

Par exemple, j’ai mis du temps à comprendre ce que faisait le « soul train » dans l’univers plutôt gothique de Tim Burton. Ce passage musical reprend en effet le concept d’une émission des années 60 consacrée à la danse et à la musique afro-américaine. Le titre « soul train » faisait donc référence à la musique « soul » mais ici c’est littéralement le « train des âmes », un moyen de transport qui fait passer les morts de l’au-delà au grand au-delà (où on est mort-mort? ou pas ? Pas bien compris). Il s’agit donc simplement d’un jeu de mot et d’une blague potache comme tant d’autres dans les films.

Certains choix peuvent paraître hasardeux mais en creusant un peu, on se rend compte que finalement tout se tient. Un des climax du film est probablement la scène musicale du mariage où tous les acteurs se mettent à danser et à chanter. La chanson « macArthur park » date de la fin des années 60 et fait partie de la culture américaine. Elle a été reprise une dizaine de fois par différents artistes dont Donna Summer qui en fait une version disco que l’on retrouve dans le générique de fin.

La musique est excessivement lyrique et ressemble à une symphonie d’opéra pop un peu kitsch. Les paroles sont plutôt absconses et évoqueraient une histoire d’amour et de rupture (source : https://360degreesound.com/10-great-versions-of-the-pop-classic-macarthur-park/). De manière (trop) poétique, ça parle d’un gâteau laissé dans un parc un jour de pluie… Dans les paroles on trouve un « glaçage vert » dont on retrouve la trace dégoulinante sur la pièce montée dans Beetlejuice Beetlejuice. Ensuite on y fait aussi mention d’un « striped pair of pants », un pantalon rayé, référence assez évidente à notre ami déglingos. On a donc là un vrai morceau de comédie musicale où Tim Burton a fait correspondre des plans visuels aux paroles d’une chanson qui semblait être bien éloignée de son univers.

Et c’est sans compter un myriade d’autres références et clins d’oeil qu’il faut observer en détails. Beetlejuice Beetlejuice pourrait finalement constituer un film-somme sur tout ce qu’a abordé Tim Burton au cours de sa carrière. Un film-testament ? On sait en tout cas qui il appellera pour trouver une porte de sortie au moment propice.


A propos de Jérôme

toute-puissance mégalomaniaque, oeil de Sauron, assoiffé de pouvoir et d’argent, Jérôme est le father de big brother, unique et multiple à la fois, indivisible et multitude, doué d’ubiquité. Il contrôle Cinétrange, en manipulant l’âme des rédacteurs comme des marionnettes de chiffons. Passionné de guerre, il collectionne les fusils mitrailleurs. Le famas français occupe une place d’exception dans son coeur. C’est aussi un père aimant et un scientifique spécialisé dans les nouvelles technologies de l’information. Pour faire tout cela, il a huit doppel gangers, dont deux maléfiques. Il habite au centre du monde, c’est-à-dire près de Colmar.

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2 commentaires sur “Beetlejuice Beetlejuice (Beetlejuice)

  • Viktor

    ça m’interpelle. ça tranche assez radicalement avec les critiques que j’ai pu entendre. Je le découvrirai dès que possible. Keaton est un gars étonnant… Je l’adore dans presque tous ses films.

  • Jérôme Auteur de l’article

    Oui j’avais vu aussi pas mal de critiques négatives et j’avais très peur. C’est pas un chef d’oeuvre intemporel nianiania mais j’ai vraiment aimé le côté festif et pas prise de tête.