Citéville et Citéruine forment un diptyque composé de deux bandes-dessinées symétriques, parues chez deux éditeurs différents.
Citéville est une dystopie absurde, aussi triste que drôle. A travers différentes histoires courtes, l’auteur s’amuse à dépecer les rouages de notre société. Ainsi, il imagine que l’on puisse « divorcer » de ses enfants quand on en a marre d’eux, ceux-ci se retrouvant alors dans une agence (« pôle enfant ») pour retrouver des parents. L’auteur imagine aussi une résidence où les personnes âgées apprennent à devenir SDF…
Le graphisme est minimaliste, monochrome, et confine à l’épure géométrique. Les visages sont tous difformes et l’on ne retrouve pas chez les personnages la moindre émotion humaine. Tout cela crée univers froid où le système en place est conçu pour broyer tout humanisme.
Si l’on rit des situations car elles sont exagérées, on se rend compte progressivement que tous ces systèmes existent déjà. Jérôme Dubois a rassemblé ce qu’il y a de pire selon lui en terme de bureaucratie et de consumérisme. Puis il y a associé des lieux à des architectures froides et inhumaines. Il échange certains rôles et glisse des personnes fragiles dans des milieux violents. La vieillesse, la fin de vie, le capitalisme, le milieu professionnel, tout y passe et l’on passe régulièrement du rire au malaise.
Un extrait est disponible sur le site des éditions Cornelius : https://www.cornelius.fr/catalogue/citeville/
Citéruine est (encore) plus conceptuel. C’est plus un livre d’art qu’une bande-dessinée. L’ouvrage partage avec Citéville cette idée de ville dystopique faite de béton, de métal et de verre, mais dénuée de toute chaleur humaine. L’histoire semble se dérouler bien après Citéville car le vivant a déserté les lieux. Il ne reste que les bâtiments et le mobilier. C’est comme s’il s’agissait d’une exploration Urbex à une époque futuriste. Tout est désormais décrépi, à l’abandon. Les fenêtres sont brisées, les machines cassées. Une nouvelle fois, les décors sont composés de formes géométriques simples. Les lignes droites sont légion et rappellent la rigidité des systèmes autrefois en place. Rectangles et trapèzes sont à peine perturbés par la présence de quelques détritus. Certaines planches sont complexes et présentent de nombreux détails, d’autres vont vers un minimalisme extrême.
Si Citéville était assez déprimant, Citéruine va encore plus loin et nous donne à voir la déréliction des architectures du premier ouvrage.
Citéruine est disponible aux éditions Matière : https://www.matiere.org/livres/citeruine-2/