Tout le monde connaît Alejandro Jodorowsky. Tout le monde connaît Dune. A la fin des années 1970, un projet incroyable a failli voir le jour en réunissant cet artiste extraordinaire et l’un des best-sellers de la SF. Le film de Frank Pavich raconte cette histoire. On y apprend notamment qu’il manquait quelques millions de dollars à ce projet qui avait également des ambitions artistiques démesurées …voire excessives.
Impossible de ne pas revenir sur le personnage principal de ce documentaire passionnant de bout en bout qui n’est autre qu’Alejandro Jodorowsky. Cet artiste polymorphe semble avoir tout fait et tout connu. Issu d’une famille juive réfugiée au Chili pour fuir les pogroms en Russie, il quitte le Chili pour la France dans les années 1950. Il est clown, poète, écrivain, mime, romancier, scénariste de BD. A la fin des années 1960 et au début des années 1970, il devient le réalisateur de 3 projets difficilement racontables mais plastiquement réussis et étonnants (Fando et Lis, El Topo et La montagne sacrée). Grâce au cinéma, il va se lier avec Michel Seydoux qui l’a soutenu pour La montagne sacrée et qui va lui proposer un nouveau projet : Dune.
Best-seller de SF des années 60/70, David Lynch a réalisé une adaptation à sa façon au début des années 1980 et qui n’est pas dénué d’intérêt. Jodorowsky et Seydoux se lancent quant à eux dans un projet fou. Le documentaire ne propose pas une réalisation très intéressante. Ce qui est à retenir, ce sont surtout les archives et les propositions artistiques faites pour ce Dune. Le film démarre par une reconstitution d’un travelling avant d’après les dessins/croquis de Moebius. Ce travelling fait traverser tout l’univers au spectateur. Rien que cela.
Jodorowsky voulait réunir les plus grands artistes autour de ce projet : Moebius, Chris Foss, Giger pour l’aspect visuel (rien que ces trois-là !), Dan O’Banon pour les effets spéciaux, Magma et Pink Floyd pour la musique (mais ces derniers ont un autre projet à l’époque). Pour les acteurs, rien de moins que David Carradine pour jouer le rôle de Léto Atréides, Salvador Dali pour incarner l’Empereur (il aurait été l’acteur le mieux payé au monde, 100 000 dollars la minute), Orson Welles en Baron Harkonnen, Mick Jager en Feyd-Rautha Harkonnen, Brontis Jodorowsky en Paul Atréides, Udo Kier aurait joué Piter de Vries et Amanda Lear, Princesse Irulan. Par sa gouaille et sa démesure artistique, Jodo avait réussi à réunir tout ce petit monde. Les essais, les propositions faites par tous les artistes pour commencer ce projet sont tout simplement incroyables. Le château Harkonnen illustré par Giger est tout simplement beau et effrayant.
Le film évoque les possibles envisagés par le projet mais également les difficultés à mettre en place ce projet. Il manque quelques millions de dollars pour boucler le budget et les deux compères à l’origine du projet fou vont faire le tour de tous les grands studios pour arriver à leurs fins. Universal, la MGM, la 20th Century Fox (à l’époque) seront intéressées mais pas au point de proposer de l’argent pour faire exister Dune.
Un rêve… et un storyboard. Ce projet restera connu à travers un seul objet : l’énorme script proposé à toutes les majors. Il restera une référence dans tout le milieu du cinéma hollywoodien à la fin des années 1970 et influencera la culture populaire durant les années 1980. Alien héritera d’une bonne partie de l’équipe à l’origine de Dune. Star Wars s’est inspiré également de ce fameux storyboard. Alejandro Jodorowsky mettra toutes ses idées de son projet dans ses scénarios de BD – L’incal entre autres…
Un point négatif est à relever dans ce film : la présence de Nicolas Wending Refn. Pénible depuis sa reconnaissance cannoise pour Drive (de loin pas sa meilleure réalisation), il est évidemment la seule personne à qui Jodo a raconté durant une nuit entière toute l’histoire de Dune et aura donc vu ce projet à travers les mots de son auteur. Insupportable, ce danois.
Après avoir apprécié le film en salles, comble du comble le coffret collector Blu-ray et DVD est tout simplement somptueux. Boni, poster, images… Ce projet démesuré méritait un tel écrin.
Film de l’année 2016 ? Pour ma part, c’est sûr. Les 90 minutes de cet opus permettent de décortiquer toute l’ambition d’un artiste si exagérée qu’elle soit. Ce film fait rêver le spectateur qui imagine déjà ce que le projet aurait donné (merci Moebius pour tes dessins) : rêve, ailleurs, imagination, beauté…
Edition blu-ray / dvd / livre collector chez Blaqout.