Méfions-nous des bruits de couloir, de la rumeur qui se propage, tel un cancer qui n’a pour fonction que de maudire un film avant que quiconque n’ait pu se faire son propre jugement. Surtout lorsqu’il s’agit d’une modeste production locale (autour de Montpellier) bricolée dans son coin au gré d’un tournage épique et compliqué. The Black Gate en a fait les frais. Avant même la vision d’une seule image, j’étais au courant, au sein d’un microcosme restreint certes, de détails croustillants, de la difficulté pour les auteurs à terminer leur film. Ceci était lié en bonne partie à la malchance et par extension à des conditions matérielles déficientes. Bref, je ne vais pas développer une partie qui aurait pu devenir un formidable « making-of ». Mais après 7 ans, le film est enfin terminé et prêt à affronter les critiques, pas toujours indulgentes en matière de cinéma de genre français.
C’est donc avec une certaine appréhension mêlée d’excitation que j’ai assisté à la projection de La porte noire, pardon The Black Gate…
Et quelle jolie claque. Imparfait, brouillon, maladroit certes, le film de Fabrice Martin, assisté de Guillaume Beylard (déjà réalisateur d’Ossessione) possède un mérite immense et rarissime : une générosité de tous les instants, une énergie qui transpire à chaque plan traversé par un amour du cinéma, celui qui tâche surtout, qui ne faiblit jamais pendant les 80 minutes de projection.
Le scénario n’est pas forcément le point fort des auteurs. Il nous ramène néanmoins quelques décennies en arrière, époque bénie où Lucio Fulci nous livrait ses visions macabres et putrides de l’enfer avec Frayeur ou La maison près du cimetière. Mais en marge de Fulci, on pouvait se délecter d’autres bobines ensanglantées et fun comme L’avion de l’apocalypse d’Umberto Lenzi, Zombie holocaust de Marino Girolami, Le manoir de la terreur d’Andrea Bianchi ou encore Demon 1 et 2 de Lamberto Bava. C’est exactement sur ce terrain qu’avance, que dis-je, fonce tête baissée, sans second degré déplacé, The Black Gate. Le film lorgne du côté du bis gore et déjanté, grotesque et décomplexé. Alors l’histoire dans tout ça ? Un peu inutilement compliquée et difficile à résumer en quelques lignes succinctes.
David et Sarah, frère et sœur, ne se sont plus vus depuis le jour où ils ont été séparés durant leur enfance après l’assassinat de leurs parents dans de mystérieuses circonstances. Ils se retrouvent quelques années plus tard à la demande de Sarah. La jeune femme a reçu un paquet de la part de leur oncle, Simon Vallmore, dernier membre de leur famille en vie. Ce colis contient un étrange livre occulte évoquant furieusement celui d’Evil dead. De là à ce qu’ils réveillent les morts il n’y a qu’un pas que les réalisateurs franchissent aisément. Afin de traduire le contenu ésotérique du grimoire, Sarah demande à David de l’accompagner chez leur oncle afin de trouver des réponses…Parallèlement, des petits malfrats en fuite vont se retrouver par hasard au même endroit. Dès lors que l’enfer est à vos portes, le spectacle peut alors commencer.
Le pitch évoque instantanément celui de L’au-delà à quelques variantes près. Les références en forme de révérences triviales sont évidentes mais ne parasitent jamais le film, toujours animé d’une foi inébranlable dans ce qui est proposé. Confus et naïf, le récit est néanmoins dynamisé par une mise en scène très rythmée et lisible. La qualité du montage permet de laisser passer les nombreux défauts qui se dégagent de La Porte Noire, à commencer par des changements de lumières abruptes, passant de plans magnifiques à la Argento et Bava (Merci Nima Rafighi !!!) à des extérieurs surexposés avec des couleurs baveuses et non bavesques. Ces défauts ne condamnent pas cette série B jouissive et assez immersive, bénéficiant d’effets spéciaux traditionnels de David Scherer (Blackaria, L’étrange couleur des larmes de ton corps) absolument remarquables. Le côté suranné et bricolé des effets numériques apporte une surprenante touche poétique et ne ridiculise pas le film. Cet écueil évité permet à The Black Gate de se hisser au-dessus de productions fauchées contemporaines. Le casting comprend quelques têtes déjà croisées dans les films de François Gaillard (Jeanne Dessart, Antony Cinturino, Patricia Fletcher). Les comédiens ne sont pas mauvais. Ils assurent même davantage que ceux des ultimes films de Bruno Mattéi ou même de la dernière bouse de Ruggero Deodato, l’horrible Ballad in blood.
Sans révolutionner l’univers du film de zombies, The Black Gate s’avère être une excellente série Z, où éventration, décapitation, membres arrachés et geysers de sang coagulent dans la joie et la bonne humeur. Pour l’instant sans distributeur ni réelle visibilité, le film risque de faire le tour des festivals spécialisés. Soyez attentifs et ne le ratez pas !!!
(FRA-2016) de Fabrice Martin et Guillaume Beylard avec Jeanne Dessart, Jonathan Raffin, Antony Cinturino, Patricia Fletcher, Benjamin Combette, Michel Coste
Bonjour,
Et merci pour cette critique.
En espérant le voir dans une salle près de chez moi, bien que j’y croie pas trop.