Basket Case (Frères de Sang), de Frank Henenlotter


le jeune Duane Bradley erre dans les rues de New York au milieu d’une faune de freaks en tous genres… Sauf que lui se trimballe avec un panier en osier qui contient son frère siamois, Belial, un vrai « freaks » pour le coup. Et qui ne ressemble pas à grand-chose d’identifiable. Une enveloppe informe assez pathétique.  Il cherche à  se venger des médecins qui les ont séparés pendant l’adolescence.

L’initiative de Carlotta de sortir Basket case en blu-ray est une aubaine. Redécouvrir ce petit chef d’œuvre dans une copie respectueuse de l’original (ouf, on a échappé à un lissage qui aurait terni l’ensemble) permet de se rendre compte à quel point ce cinéma audacieux et viscéral nous manque.

Tourné avec un budget dérisoire, Basket case incarne l’idéal de la série B underground qui trônait sur les étagères des vidéo-clubs des années 80 et qui, avec le temps, a acquis un statut culte amplement mérité. Ce type de film n’existe plus aujourd’hui. Car ce qu’il manque aujourd’hui aux productions dites « trash » et « extrêmes » (Human centipede, l’ignoble A serbian film), c’est une part de naïveté et de sensibilité, présentes à chaque minute dans le film d’Henenlotter.

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Frank Henenlotter est un vrai. Un pur. Quelqu’un qui croit du comme fer à ses histoires malsaines et déchirantes. Cette plongée cauchemardesque au cœur d’un drame familial presque possible, frappe par son absence de second degré, caractéristique pénible du film d’horreur contemporain. Ce qui n’exclut pas l’humour. Mais l’humour noir, vachard de Basket Case, remue les tripes et fait partie intégrante du récit. Il est inextricablement lié au sort tragique qui unit dans leur séparation les deux frères siamois.

Certes, le film souffre de problèmes liés au ridicule budget et aux conditions de tournage. La direction d’acteurs est approximative. La photographie, très granuleuse, nous donne l’impression d’être dans un porno de bas étage. Henenlotter ne sait pas toujours ordonner ses très bonnes idées. Et surtout, les effets spéciaux atteignent parfois des sommets de ringardise. Toute proportion gardée, l’animation image par image, quasi surréaliste, évoque certains programmes pour enfants de l’époque (style Miaou Miaou pour ceux qui s’en rappellent). Mais paradoxalement, cet aspect amateur touche et inquiète en même temps. Les  faiblesses évidentes de ce premier long-métrage en renforcent les qualités : filmage à l’arrache,  galerie de personnages très allumés aux tronches pas possibles, décors ultra-réalistes créant une ambiance malsaine.

Tourné sans autorisation dans les quartiers les plus louches de New York, en l’occurrence dans un hôtel pourri criant de vérité, Basket Case prend le pouls de la jungle urbaine du début des années 80. Cet aspect underground , flirtant avec le documentaire, est en phase avec d’autres films radicaux tournés à la même époque (Driller Killer, Maniac). Une épaisseur et une authenticité cruelles se dégagent de ce mélo gore, nihiliste et curieusement sentimental. Il n’existe pas d’échappatoire pour nos frères de sang, toujours obligés de fuir, de vivre en autarcie. Duane trimballe son étrange panier comme un fardeau auquel il ne peut se soustraire. Sa part monstrueuse vit à l’intérieure.

En dépit des meurtres sauvages et des images dérangeantes, Frank Henenlotter ne s’écarte jamais de son sujet, ne sombre pas dans la gratuité (nos deux étranges personnages ne tuent jamais au hasard) et signe un véritable film d’auteur, à ranger dans votre collection quelque part entre Le monstre est vivant,  Sisters  et Faux semblants.

Les deux suites tournées par Henenlotter quelques années plus tard  sortent également en Blu Ray/DVD  pour le plus grand bonheur des admirateurs du cinéaste, d’autant que ces films étaient difficilement trouvables jusque là.

(USA-1982) de Frank Henelotter avec Kevin Van Hentenryck, Kerry Ruff,  Robert Vogel, Ruth Neuman, Richard Pierce.

Format: 1.33. Durée: 91 mn (Blu Ray) 87 mn (DVD). Audio: Français, Anglais (1.0). Sous titres: Français. Bonus: la bande annonce. Edité par Calotta en Blu-ray et DVD


A propos de Manu

Docteur ès cinéma bis, Manu est un cinévore. Il a tout vu. Sorte d'Alain Petit mais en plus jeune, son savoir encyclopédique parle aux connaisseurs de films méconnus. Il habite près de Montpellier où il peut observer la faune locale : le collectif School’s out, l’éditeur le chat qui fume et l’éditeur Artus Films. Avec son air d’Udo Kier, il n’est pas exclu qu’on le retrouve dans une production de genre.

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