Cela doit faire dix ans ou plus que je connais « Viktor Alexis », et comme tous les indépendants dans ce milieu, il rame pour faire découvrir ses films complètement marginaux. Pourtant, il ne lâche pas l’affaire et continue de faire son bonhomme de chemin, sans que quiconque n’arrive à le décourager. Mieux encore, il a évolué dans son art, sans doute grâce à de bonnes rencontres et de nouvelles expériences. Entre temps, Viktor Alexis est devenu Victor-Alexis Ferrand, reprenant son vrai nom comme pour assumer totalement ses œuvres. A la croisée de John McTiernan et du film documentaire, il a réalisé récemment Voro’s Fusion un film sur le monde étrange et méconnu du motoball, mélange de football et de motocross. Evidemment, Victor a réalisé un film ni classique, ni didactique, au risque de perdre parfois son spectateur. Malgré un sujet propice à la violence, la poésie prend parfois le pas sur l’action ! Et c’est bien souvent le cas avec l’ensemble de ses films. Il privilégie la lenteur et la contemplation. A une époque où l’on s’accroche aux notifications des réseaux sociaux, ses idées vont à l’encontre de tout cela et il fait figure d’extra-terrestre. Récemment, The Assassin de Hou Hsiao-Hsien allait tout à fait dans ce sens. Il s’agit là peut-être d’un début de résistance, qui consister à revisiter les codes de la narration quand la grammaire cinématographique se simplifie à outrance pour enchaîner au plus vite les rentrées d’argent des films DC Comics et Marvel.
Pour découvrir les derniers films de Victor-Alexis Ferrand, il faut se rendre chez Sin’Art (association pourvoyeuse de bon goût depuis des lustres). Le dvd Triptyque contient en effet Black Bird, Le Successeur et Echos d’une vallée, trois films très différents. Black Bird est mon petit préféré. Il célèbre le retour à la nature et raconte l’histoire d’un corbeau et d’une femme, qui quittent tous deux le brouhaha de la ville pour se rendre au plus profond de la forêt. Certes, le film a un côté naïf qui ferait passer son auteur pour un hippie écolo-bio. Mais c’est sans compter sa totale sincérité qui force le respect. Ce n’est pas un film militant mais une simple invitation à réfléchir. Les images sont magiques, le montage hypnotisant. Il faut bien sûr évoquer Laure Bompieyre, la compagne du réalisateur, qui se livre corps et âme à la souveraineté d’une souche d’arbre géante, une image qui ne peut que marquer les esprits. Non seulement elle est actrice dans ce court-métrage mais elle a également participé activement à la production et à la réalisation de tous les films figurant dans ce triptyque.
Echos d’une vallée parle un peu de la même chose mais se situe plus sur une trame de post-apo. Un humain est envoyé en zone désertique pour voir ce qu’il reste de la vie sauvage. Même si la musique rugueuse et métallique laisse d’abord penser à un film de SF, ne soyons pas dupes; c’est la nature qui reste encore une fois au centre de tout. Le film est une succession d’images prenant sur le vif des animaux sauvages. Ca pourrait faire documentaire animalier mais la bande son est minimaliste et il n’y a bien sûr aucun commentaire. Rien que la musique et l’étonnante diversité de la faune que l’on imagine difficile à approcher. Pourtant les images nous offrent beaucoup de gros plans, notamment sur des insectes. Un film donc assez naturaliste, un peu long à mon goût.
Le Successeur m’a laissé sur le carreau. Ca commence pourtant bien avec des images à l’esthétique superbe, qui lorgnent du côté de l’inquiétante étrangeté de David Lynch. Mais ensuite le récit est déroulé sous formes d’images fixes. Ce parti-pris radical fait qu’il est difficile d’entrer dans l’histoire, aussi belles que soient les photos qui composent ce court-métrages. Le spectateur plus patient sera probablement récompensé !
Les films du Triptyque sont très soignés. Il convient de les regarder comme il faut, sans doute dans l’obscurité et sans parasitage de la vie quotidienne. Ainsi peut-être avez-vous une chance de vous connecter sur le monde intérieur de Victor et Laure. Ils n’ont pas encore eu recours au crowdfunding. Il faut donc saluer l’autonomie totale dont ils font preuve pour trouver des financements et surtout pour s’autofinancer. Chaque soutien sera donc le bienvenu.
Pour commander, c’est ici : http://www.sinart.asso.fr/triptyque-de-courts-metrages-de-victor-alexis-ferrand-et-laure-bompieyre-36743
Voro’s Fusion est disponible en vod (http://dai.ly/x2logt7) et en dvd : https://www.scylla-motoball.com/collectif_incitatus.html
Merci pour ces mots !
Laure, la femme « qui se livre corps et âme à la souveraineté d’une souche d’arbre géante » hihihi.
Héhé, je ne me rappelais pas avoir écrit ça. Un peu grandiloquent mais toujours vrai 🙂