Mercredi soir, je suis allé voir Night Fare de Julien Seri. Obligé. C’est un film de bagnoles.
Chris retrouve son ami Luc au sortir de l’Eurostar après une absence de quelques années outre-Manche. (Chris est anglais, ce qui implique 80% des dialogues dans la langue de Thatcher, manœuvre un peu honteuse mais incontournable pour tout cinéaste européen misant par contrainte budgétaire ou par rêve de gloire sur l’export). Ce dernier s’est entre-temps mis en ménage avec Ludivine, l’ancienne petite-amie de Chris pour laquelle il éprouve encore des sentiments.
Au sortir d’une soirée, les deux amis, heureux de leurs retrouvailles mais mal à l’aise dans leur situation amoureuse ambigüe (Ludivine a envoyé des signaux équivoques à Chris toute la soirée avant de décider soudainement de se barrer), bourrés comme des supporters de foot, enfumés comme des renards et remplis de schnouffe comme des sacs à poussières d’aspirateurs, (Luc a des prix, il exerce la profession clandestine de représentant en drogues), interpellent un taxi de couleur sombre et aux vitres fumées sur le chemin du retour, et à l’arrivée, font basquets. Comme Rodriguez l’aurait fait prononcer à un mec avec une voix grave et virile en faisant longuement siffler le « f » s’il avait été chargé de faire la bande-annonce : « And they soon discovered, they just fucked with the wrong cab driver ».
C’était en effet vraiment une idée de merde, puisque, les voilà pris en chasse par un inquiétant chauffeur de taxi qui les persécutera des heures durant, alors qu’on se rend compte au fil du temps que ses motivations ne sont pas uniquement financières… Nos personnages seraient-ils en fait secrètement conducteurs de VTC ?
Jo Gonzo Scale : **** J’ai kiffé. Pas (uniquement) parce que c’est un film de bagnoles. J’ai aussi vu Taxi (le 1 seulement, j’ai pas osé voir les suivants), plusieurs Fast (entre tes cuisses) and furious (dans ton cul), Canonball Run entre autres, ce qui m’oblige à reconnaître qu’à côté de Bullit, Wanishing Point, Crazy Larry Dirty Marry, Mad Max etc., le genre comporte aussi une proportion alarmante de gros étrons malodorants.
Mais il serait injuste de résumer Night Fare à un film de bagnoles, puisque les inspirations du cinéaste vont (ce qui n’est pas pour me déplaire), du western Spaghetti au manga de Yakuzas. Seri nous plonge dans une ambiance angoissante, les motivations du chauffeur restent inconnues jusqu’au dénouement final, alors que la Chrysler noire apparaît et disparaît dans la rue comme un spectre maléfique. On nous prouve au passage qu’entre la vulgarité lourdingue de nos comédies familiales mangez-bougez.com comme « bienvenue chez les chtis » et l’autosatisfaction intellectuelle remplies de références culturelles inutiles et cuistres sur fond creux à la Kechiche (ou tant d’autres, il n’est bien sûr pas le seul coupable), une troisième voie dans le paysage cinématographique français est possible, même si les investisseurs et les subventionneurs publics ne sont pas forcément d’acc. Ça s’éloigne tellement d’un film français que pour un peu, on croirait que c’est américain. Et l’on est encore plus bluffés lorsqu’on prend connaissance du budget ridicule du film qui ne transparait absolument pas à l’écran.
Jo Gonzo Shitless scaring ability : **** Les apparitions soudaines du taxi sombre, camouflé dans le paysage et qui apparaît soudain, comme dans Christine, pour foncer sur les protagonistes, foutent les jetons, grave. Lorsque le chauffeur patibulaire et entraîné aux arts martiaux s’extrait de son véhicule, là, il faut avoir une certaine maîtrise des sphincters.
Jo Gonzo blood and violence **** les dents et les parois nasales sont des consommables dans Night Fare, alors que les outils de travail vont de la calandre de bagnole (obligé) à la batte, en passant par toutes les armes blanches qui vont bien, manivelles, sabre samouraï, les bastons ayant une forte connotation orientale. On en profite pour faire de petites références amusantes, l’une des scènes étant repompée de Orange Mécanique, rien de moins.
Jo Gonzo Même pas cap factor ***** On enfile les même pas cap comme des perles, et c’est ça qui plait. Après tout, qu’est-ce qui empêche de caricaturer des keufs de la BAC bien relous et franchouillards comme des vrais (le réalisateur a tenu à jouer leur chef et il le fait super bien, à mon avis y’a un PV qui est mal passé quelque part), et de glisser sur des bastons au sabre ?
Jo Gonzo Cars ***** Le véhicule protagoniste est une Chrysler 300 C noire, aux vitre fumées, dont on a peaufiné les détails pour la rendre plus inquiétante (plaque d’immatriculation noire entre autres), et qu’on a doublée avec un bruit de gros moulbif américain, probablement un V8 à culasse hémisphérique de Mopar des années 60, pour rendre le tout encore plus sexy. Un choix éclairé compte tenu du catalogue limité de modèles de berlines sortables de ce côté-ci de l’Atlantique et qui contourne avantageusement pour un taxi la disgracieuse berline Mercedes diesel sans parler des vulgaires 4X4 BMW ou Audi. En berline trois corps bien sûr puisqu’il faut un espace pour transporter les corps, il n’y a guère que Quentin Dupieux qui est assez barge pour transporter des macchabées dans un break. On a quelques jolies cascades et des roues qui fument d’assez bonne facture, si l’on considère que le budget du film ne permettait sans doute pas de froisser de la taule tous azimuts…
Vendredi soir, après avoir appris du procureur qu’il avait mis fin aux poursuites (son péché mignon étant les oreilles de jeunes filles séchées, par chance il m’en restait trois paires dans ma cave, avec du gros sel et un petit Chassagne-Montrachet grand cru en apéro personne n’y résiste) je suis allé voir Turbo kid de Yoann-Karl Whissell, Anouk Whissell et François Simard.
Retour vers le futur 2 vient encore de nous le prouver cette semaine (eh oui les amis, Marty atterrit le 21 octobre 2015 à LA) que les films de SF futuristes, à l’instar de 2001 l’Odyssée de l’espace, Total Recall, Blade Runner, Alien, New York 1997 etc. finissent toujours par devenir totalement ringards et encore plus délicieusement absurdes, alors que le progrès moderne invalide certaines avancées technologiques comme les voitures volantes réalisée sur base de Ford Escort ou d’Opel Manta d’époque tunées à mort (une prémonition tout de même : ces véhicules circulent réellement dans certaines parties restreintes du territoire français en 2015 même s’ils ne volent pas, comme la Meuse, les Ardennes ou la Picardie), la téléportation, le visiophone, ou les capes d’invisibilité, tandis que les ordinateurs de 25 m3 d’encombrement qui sont capables de faire une addition (sans virgule) et s’adressent d’une voix désincarnée et monocorde aux protagonistes arborant une pucks à la Bonnie Tyler, le maquillage d’ABBA, des Reebok Pump et des revers à leurs futals trop larges, nous font pousser un ouf de soulagement par rapport à ce qu’aurait pu devenir le présent si des mecs des années 80 avaient été chargés de s’en occuper.
Ici, pas de spéculation hasardeuse, le réalisateur a pris les devants, puisque l’action se déroule dans un futur apocalyptique ringard au jour du tournage comme on les aime, la planète ayant été ravagée en 1997, la technologie est arrêtée à cette date. Tant qu’à faire, autant anticiper. Je valide.
Notre héros est un adolescent (The Kid) qui survit dans une sorte de tanière meublée de vestiges des années 80 et 90, walk-man Sony sport, boule à facettes, le pack complet. Lorsqu’il n’est pas en train de chercher dans les décharges radioactives contaminées des marchandises à troquer ou des choses qui pourraient lui être utiles, il lit des comics de super-héros qu’il se procure contre sa maigre collecte, dans une sorte d’usine désaffectée tenue par un gang de méchants comme on les aimait bien dans les années 80, du temps ou les blousons noirs faisaient encore un peu flipper les vioques, de cuir vêtus avec des bouts d’armure, des coupes d’Iroquois voir même des masques à têtes de mort, y’a pas de raison.
L’eau étant intégralement contaminée par je ne sais quelle substance nucléaire, le gang en question est également la seule source d’eau potable, puisque Zeus, le chef des méchant qui n’aurait pas dénoté dans le mauvais rôle d’un Batman des grandes années a inventé une machine à produire de l’eau à partir de cadavres (Le saviez-vous ? Le corps humain est composé d’eau à 90%.).
Un beau jour, Apple, une adolescente blonde au survêtement aux couleurs émétiques, nous rappelant avec douleur que ces abominables accoutrements informes furent socialement admis sinon à la mode au temps jadis, vient frapper à sa porte, the kid se transformera graduellement à son contact en super-héros de la résistance jusqu’à s’opposer frontalement à Zeus.
Jo Gonzo Scale : ***** J’étais à fond dedans du début à la fin. Les années 80 et 90 sont réputées pour leurs goûts esthétiques au caractère disons, expérimental, qui sont sublimés ici, de manière presque un peu nostalgique. Les cinéastes s’amusent et repompent allègrement sans aucun complexe les blockbusters de ces années-là, Mad Max, (on a quand même de sévères emprunts au Dôme du Tonnerre) mais aussi les Carpenter, Indiana Jones puisque le chef de la résistance est fringué exactement comme lui, les robots androïdes perdent leurs fluides blanchâtre comme dans Aliens le retour lorsqu’ils sont blessés, Terminator voire Crocodile Dundee. Peut-être même Bioman ?
On mélange le tout avec pas mal d’ultraviolence et beaucoup d’humour, et on obtient un film aux contours indéfinissable, totalement barré et pourtant diablement efficace.
Jo Gonzo blood and violence : ***** certaines scènes sont à ce point violentes que j’en ai eu des frissons dans la moelle épinière. Ce sang qui gicle à plusieurs mètres comme dans un film de baston japonais, ce survêtement atroce, les membres et les têtes qui volent, c’est un véritable carnage. Le film a beau respirer franchement la dèche financière, le peu de pognon disponible a été claqué là où c’était vraiment important, à savoir les costumes qui craignent et surtout les scènes gores qui sont techniquement parfaites.
Jo Gonzo Même pas cap Factor : ***** je crois que là on pouvait assez difficilement faire mieux en la matière. Turbo Kid pulvérise à peu près toutes les limites du bon goût et de la sobriété. C’est n’importe quoi, et c’est ça qu’on aime.
Jo Gonzo Cars : ***** il y a 5 étoiles au Jo Gonzo Cars, et pourtant, on ne voit pas une seule bagnole durant tout le film. Turbo Kid circule sur un magnifique BMX rouge et jaune qui m’a tiré la larme à l’œil puisque j’avais le même quand j’avais 5 ans et que je l’ai toujours regretté. Apple enfourche quant à elle, un bicross de couleur rose, le guidon décoré d’une tête de licorne. Mais le top du top, ce sont quand même les montures des méchants, qui tout de cuir et de métal vêtus avec leurs tronches de tueur, roulent en bicross ou en tricycle en prenant des poses comme s’ils faisaient partie de la bande à Marlon Brando dans l’Equipée Sauvage. On connaissait déjà les Monty Python dans Sacré Graal qui n’avaient ni le budget, ni les compétences équestres pour monter à cheval dans un film Moyenâgeux et trottaient au son de noix de coco censés reproduire le bruit des sabots. Et voilà comment, lorsqu’on n’a pas de thunes dans un tournage, on arrive à retourner la situation en sublimant un désavantage. J’ai adoré.
C’est sur cet excellent film que s’achève ma participation 2016 au FEFFS. En effet, au sortir du Ciné-cité, ces enfoirés de Syrion III m’attendaient, leur soucoupe en double-file route du Rhin sous prétexte que je leurs aurais promis lors de mon précédent kidnapping de les aider à éradiquer la race humaine en échange de la restitution de mon téléphone portable. J’ai des souvenirs confus de cette promesse : j’étais un peu bourré. Profitant d’un moment d’inattention de Xorlug, alanguie et heureuse après que j’eus fécondé ses œufs, je parvins à lui subtiliser son Défonçolaser FAMAS (les armes Française s’exportent si bien que les même galaxies lointaines et le Koweit en sont équipés), pris les commandes du Nimbus 700 DCI (finition Elégance), et parvins à échapper à mes ravisseurs au prix d’une course poursuite faisant passer les cascadeurs de Bullit pour des amateurs en Autolib. C’est en abandonnant le vaisseau avec les clefs dessus à la Citée de l’Ill en espérant que les dealers locaux se chargeraient de le désosser pour revendre les pièces, que je me suis rendu compte qu’un mois s’était passé et que j’avais des articles à rendre. Le plus dur, aura quand même été d’expliquer tout cela à ma DRH sans me faire radier des cadres. D’ailleurs, il m’a semblé entendre des plaintes tout à l’heure dans mon coffre. Je vous laisse, les zombies, il faut que je lui réexplique.