Feffs 2015 : tome 1


Vendredi 18 septembre 15

Après avoir récupéré mon accréditation, j’ai commencé par esquiver soigneusement la cérémonie d’ouverture et ses officiels (si un festival ne peut pas s’organiser sans argent, on n’est pas non plus absolument obligés d’écouter déblatérer les banquiers), et je me suis pointé à la rediffusion de 22 h du film d’ouverture, Knock-Knock. Ayant quitté une charmante compagnie au milieu d’un excellent dîner magnifiquement arrosé, j’ai éprouvé quelques regrets au sortir de ce film.

Le synopsis avait pourtant tout pour (me) plaire : « un soir d’orage, un architecte, marié et bon père de famille, resté seul pour le week-end, ouvre sa porte à deux superbes femmes mal intentionnées ». Las !

On débute par une introduction pas trop mal ficelé bien qu’un peu relou, mettant en scène le personnage d’Evan (Keenu Reeves) en père de famille façon « pub Ricorée ». Après qu’on vous ait démontré par tous les moyens grossiers qu’Evan est un père et mari modèle pour la population masculine, sa famille le quitte pour le week-end alors qu’il doit rester chez lui pour terminer son travail (il ne fait pas ça de gaité de cœur, comme cela vous est rappelé explicitement des fois que vous soyez un peu dur à la comprenette, voyez, Evan est un mec parfait,  s’il fait ça c’est avant tout pour assurer le confort matériel de sa femme Colgate et de ses enfants Petit-Bateau.)

La famille met donc les bouts, laissant notre protagoniste seul à son travail sérieux mais cool d’architecte, auquel il s’attelle en écoutant de la musique à donf (décidément, Evan est vraiment trop cool, il a été DJ auparavant).

Alors que seule faiblesse qu’on lui connaît à ce stade du film, notre héro sort, une fois son travail achevé et tard dans la nuit, un (petit) splif d’un tiroir d’un geste légèrement hésitant de culpabilité (on peut être « father of the year » sans être coincé du cul, du moment qu’on ne banalise pas trop l’image de la drôgue),  dingdong, la sonnette retentit soudain. Evan remballe son pétard et va ouvrir.

Knock-Knock

La porte d’entrée de la magnifique maison de banlieue design (en plus de tout le reste Evan a de la maille, LE mec idéal on vous dit les filles), s’ouvre sur deux petites bombasses, l’une blonde, l’autre brune, comme ça y’en a pour tous mes goûts, qui ont échoué là trempées jusqu’aux os en pleine tempête sous un prétexte aussi grotesque qu’une intro de boulard des années 90 (de ce qu’on m’en a raconté en tous cas, hum). Les minutes qui suivent sont d’une subtilité rappelant furieusement, pour ceux qui ont vu comme moi plusieurs fois par an The big Lebowsky, l’extrait du film de Jacky Threehorn (« Hi, mein Name ist Karl, they told me there is something wrong mit deinem Kabel – This is my friend Sheiley,  she came here to take a shower– Don’t worry, ich bin Expert » I don’t think I need to show you the end. He fixes the cable ?), au cours de laquelle les deux pépettes chauffent Evan à mort tandis que lui esquive leurs tentatives de rapprochement avec la probité d’une chancelière allemande. Puis comme un bateau qui chavire, subitement il glisse. (On vous a bien fait comprendre à ce stade que si lui a craqué, en terme de mec, vous ne trouverez jamais mieux les filles, il vient de battre sous vos yeux le record du monde de résistance face à deux femelles en chaleur vu que nous les hommes sommes faits comme ça, une paire de miches ou de loches agitées sous notre nez et après un temps indéterminé en fonction d’un seuil de résidence propre à chacun, notre cerveau se met en court-circuit et on saute sur les filles, on n’y peut rien c’est la nature).

C’est au réveil que les choses se gâtent, lorsque les jeunes filles annoncent qu’en fait elles sont mineures (alors qu’elles portent parfaitement dans leur physique et dans leurs manières, leur milieu de vingtaine), et que si Evan ne se plie pas à toutes leurs exigences elles contacteront la police.

Jo gonzo scale * Vous avez vu Funny Games ? (le 1er ou le 2ème, peu importe). Vous avez aussi vu Hard Candy ? Du coup, vous aurez probablement du mal à comprendre ce qu’Eli Roth a essayé d’apporter au film de séquestration à domicile. Le message est on ne peut moins clair : les deux filles n’ont aucun mobile pour s’attaquer à Evan, pas de mandat de sa femme ni de ses enfants pour tester sa fidélité, pas de traumatisme passé avec un petit ami infidèle, que dalle, et pourtant on a l’impression d’assister à une vengeance. Est-ce que Roth essaie de nous faire passer une leçon de morale sur le thème « tromper sa femme c’est mal » ? C’est bien possible, mais dans ce cas Joseph Ratzinger (que vous avez pu voir jouer dans Benoît XVI, le retour des valeurs chrétiennes) faisait ça avec une toute autre conviction. Par ailleurs, en  termes d’incohérence scénaristiques, on relève surtout qu’après avoir laissé planer une menace de mort sur le personnage principal, il est laissé sauf sur le ton du « on t’a bien eu, en fait on n’est pas des meurtrières, haha », sauf que ça n’est absolument pas cohérent avec le fait d’avoir commis un homicide volontaire sur un personnage qui passait par là par hasard au milieu du film. Bref, tout cela ne ça tient pas très bien debout.

Jo gonzo shitless scarring ability * Les jeux sadiques se distinguent par leur absence totale d’imagination. Comme on a déjà vu les trois films mentionnés plus haut, on voit arriver les pseudos « coups de théâtre » un quart d’heure avant ce qui nuit quelque peu au suspens, et bon dieu, que c’est poussif.

Jo gonzo blood and violence * Même la violence est laborieuse, si bien que les scènes de baston semblent tirer en longueur. Une partie des tortures est présentée par les deux filles comme un jeu télévisé face à un Evan ligoté à sa chaise, mais plus « La question France 5 » que Reservoir Dogs.

Jo Gonzo même pas cap factor * Par rapport aux classiques du genre, ce film brille par son absence d’audace. D’ailleurs, on ne s’y est pas trompé dans la salle. Au FEFFS, il est tacitement autorisé, à partir des séances de 20h, de laisser libre cours à son enthousiasme, si bien que rires, cris, beuglements, encouragements, voire applaudissement pour les scènes les plus audacieuses sont un marqueur assez sûr du degré de même pas cap factor. Là, je peux vous dire que c’était carrément calme, malgré une partie non négligeable de la salle comble en état d’ébriété avancée…

Jo Gonzo Cars * Y’a du placement de produit dans l’air ou je ne m’y connais pas. La famille dispose de deux 4X4 Volvo parfaitement identiques de la famille idéale sortant de chez le concessionnaire, vous avez l’impression de voir une pub télévisée dès qu’ils démarrent.

Jo Gonzo erotic factor *** Soyons beau joueur et mettons des points là où on peut en mettre : Lorenza Izzo et Ana de Armas forment un joli duo de pétillantes petites gonzesses comme on en sauverait toutes crues un soir d’orage. Keenu Reeves n’est pas non plus en reste pour chauffer l’écran. Leur présence et leur jeu permet même de suivre avec intérêt la première partie du film malgré un scénario tiré par les cheveux (et au treuil !!) sur les phases de séduction, qui se dénoue, comme une récompense après ce cheminement pénible, par le dévoilement des corps dans un threesome de qualité acceptable dans la vapeur et la buée d’une salle de bain.

Samedi, en sortant de garde-à-vue (une sombre histoire d’étudiante disparue et de ma pioche portant son ADN), j’ai juste eu le temps de passer un coup de karcher dans mon coffre (dieu, que les perquisitions sont devenues tatillonnes dernièrement, j’vous jure, alors que les politiques ne parlent que de « simplification administrative » !) et je suis allé voir Uncle John de Neil Genzlinger.

Uncle John

Dans un bled paumé du Wisconsin rural, un homme (Oncle John) achève de se débarrasser d’un corps, avant de retourner à sa vie saine de menuisier frugal et économe dans sa ferme défraichie.

A quelques centaines de kilomètres, à Chicago, Ben, jeune publicitaire cool (la preuve, il a même un vélo à pignon fixe et un sac en bandoulière), tombe amoureux de sa nouvelle collègue, Kate au cours de longues soirées à boucler leur travail en tête-à-tête au bureau.

Alors que les deux jeunes gens, officiellement simples amis, sont encore en train de se tourner autour comme deux poules devant un couteau, Ben propose à l’objet de son désir d’aller rendre visite à l’improviste, pour le week-end à son cher oncle John qui l’a élevé, comme on fait entre potes, en tout bien tout honneur.

Tandis que leur histoire évolue au contact de l’air sain et de l’ambiance simple dans l’univers rural et délicieusement ringard du tonton, avec de magnifiques plans tournés en extérieur au soleil couchant, Oncle John doit gérer en présence de ces intrus perchés sur leur nuage de bonheur, les soupçons du frère de sa victime ainsi que la surveillance de la police.

Jo gonzo scale **** Ce film est pour moi une des très bonnes surprises du festival. Genzliger a trouvé le ton juste pour son personnage du vieux célibataire ridé comme une vieille pomme, encrouté dans sa routine, peu expressif dans ses sentiments et néanmoins débordant d’amour pour son filleul et de bienveillance à l’égard de celle qu’on lui présente comme « une simple amie ». Le casting et le jeu d’acteurs est assez remarquable, on s’y croirait volontiers.

Jo gonzo shitless scarring ability *** Uncle John n’est pas vraiment un film d’épouvante. Néanmoins, le personnage principal, transparent, tranquille, sans vice et sans histoire comme on en croise sans doute plusieurs chaque jour,  est presque effrayant de normalité.

Jo gonzo blood and violence *** On s’écharpe à coup de fusils de chasse et de pelles dans Uncle John. Certes, on a vu beaucoup plus violent. Cependant, du fait que les images de baston, d’assassinat et de manipulation des corps sont traitées avec nonchalance et tranquillité avec une jolie lumière, cela crée un malaise tout à fait délicieux durant ces séquences.

Jo Gonzo même pas cap factor ***  La provocation vient de la propension des personnages secondaires à avoir continuellement sous le nez le petit business du tonton sans chercher à y voir quoi que ce soit, bercés par l’allure nonchalante du personnage.

Jo Gonzo Cars **** Le pick-up Ford F150 du début des années 90 avec son hard-top sur la benne apportant un peu de discrétion, est une alternative intéressant à la berline trois corps  pour tout péquenaud américain trimballant des corps dans son coffre, lequel ne peut décemment pas par son statut se trimballer en Mercedes Class S ou en Lincoln Towncar comme un mafieux des villes.

Jo Gonzo erotic factor *** L’intrigue amoureuse de nos jeunes tourtereaux est traitée sur un ton certes un peu cucu, mais c’est pur, c’est mignon, c’est frais, ça vous rappelle votre pré-adolescence, et au final on tombe un peu amoureux du personnage désorienté joué par Jenna Lyng qui souffle le chaud-bouillant et le froid à son pauvre collègue.

 

Plus tard dans la soirée, je suis allé voir The Invitation (2015)

The invitation

Will et sa compagne Kira se rendent à une soirée dans la banlieue de Los Angeles lorsqu’ils heurtent accidentellement un coyote. Will doit éclater la pauvre bête à grands coups de démonte-pneu devant sa petite amie horrifiée. Encore ébranlés par ce petit incident, ils sont accueillis dans une somptueuse maison par Eden, dont on apprend par l’intermédiaire de flash-backs à la Sergio Leone durant la première partie du film qu’elle fut la femme de Will, et qu’ils élevèrent ensemble un mioche décédé deux ans auparavant dans la même maison, pour une soirée qui s’avère être une réunion de vieux amis qui ne se sont pas vus depuis un certain nombre d’années.

Eden est désormais en couple avec un autre homme, David, sorte de quadra charismatique un peu néo-hippy, ancien toxico réhabilité et illuminé, qu’on devine fortement influencé par une religion ou une philosophie de vie un peu barrée. Le couple vient de refaire surface à LA après plusieurs années passées au Mexique, affublés de deux « amis » que les invités ne leurs connaissaient pas auparavant et dont ils n’arrivent pas à comprendre la présence à cette réunion. Ils affichent une sérénité et un bonheur absurdement incompatibles avec la disparition de l’enfant d’Eden. La soirée, qui débute comme une soirée de retrouvailles au cours de laquelle s’installe une malaise croissant entre Eden et Will (qui n’ont visiblement pas réglé tous leurs problèmes à l’occasion de leur séparation) dérape progressivement lorsque David et Eden commencent à parler à leurs anciens amis d’un cercle auquel ils adhèrent et qui ressemble fortement à une secte.

 

Jo gonzo Scale : *** J’ai trouvé ce thriller psychologique très efficace, traité du point de vue du personnage d’un Will torturé entre des indices bien réels et une forte paranoïa issue de la mort de son fils, de l’état psychologique dans lequel il arrive suite à l’accident avec le coyote et du malaise de la soirée. Karyn Kusama distille savamment une ambiance à la fois zen et chaleureuse et puissamment anxiogène. Je ne peux pas vous en dire bien plus sous peine de vous gâcher le plaisir si vous allez le voir. En termes d’érotisme, de violence, de provocation, tout est savamment dosé pour contribuer à cette ambiance si dérangeante.

J’ai enfin terminé ma journée par Tales of Halloween, film composé de 10 sketchs autour d’une soirée de Halloween dans une banlieue de Los Angeles, qui, si ça ne casse pas forcément les briques, m’a fait terminer la soirée sur une note humoristique très chouette dans une salle pleine, avinée et rigolarde. Sympa !

(Darren Lynn Bousman, Axelle Carolyn, Adam Gierasch, Andrew Kasch & John Skipp, Neil Marshall, Lucky McKee, Mike Mendez, Dave Parker, Ryan Schifrin, Paul Solet)

tales-of-halloween


A propos de Jo Gonzo

Jo Gonzo est à la critique cinématographique ce que Daniel Craig est à la saga James Bond : on se demande qui a fait le casting, mais il est là. Doté de références approximatives (il a vu plusieurs fois tous les Russ Meyer et même un Romero un coup, quelque-chose of the dead), c’est en revanche un professionnel de la survie qui passe la majeure partie de ses nuits à éclater en songe, essentiellement à la pioche et à la tronçonneuse, les hordes de morts-vivants qui assiègent sa chambre à coucher. Génétiquement modifié suite à son enlèvement par des extraterrestres nazis un soir en sortant du Nelson, relâché au petit matin dans un caniveau avec de l’urine dans son 501 et du vomi sur son T-shirt Guns’n Roses, les notions de bonne foi et de sens de la mesure ont été éliminées de son tempérament. Il aime pêle-mêle, les zombies, les bagnoles, les films, surtout ceux de zombies et de bagnoles, le catch, le Kraut-rock, sa tronçonneuse et les Ray-ban Wayfarer. Il habite Strasbourg, aussi vaut-il mieux éviter de se balader l’air hagard en trainant des pieds dans son quartier la nuit si l’on craint les appareils d’élagage.

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