Supernichons contre mafia


Assurément l’un des pires films de l’histoire du cinéma, un concentré de tout ce qu’il ne faut pas faire au cinéma. Et pourtant, Supernichons contre mafia est devenu avec le temps un titre culte. Le pitch de départ est d’une stupidité hallucinante, une insulte à l’intelligence et au bon sens de n’importe quel spectateur lambda. Une espionne se fait greffer un appareil photo à l’intérieur de ses seins monstrueux qui lui  tombent au niveau du bas ventre. Pourquoi ? Je ne sais pas. Pour le fun sans doute ! Rien ne justifie cette absurde situation hormis de nous gratifier de quelques séquences mammaires d’un mauvais goût absolu. Elle doit certes identifier le chef d’un gang de trafiquant d’héroïne mais pourquoi implanter un appareil photo. Le mystère est total. Comme le reste.

Supernichons est réalisé par une femme, Doris Wishman, qui a une trentaine de films à son actif, dont beaucoup de nudies. A des années-lumières de Russ Meyer, la réalisatrice cumule toutes les tares : montage approximatif, faux raccords en cascades, cadrages foireux, lumière moche et j’en passe. Pas un point positif ! Rien de valable. A ce point de nullité, on en vient presque à prendre un plaisir coupable. Certaines séquences méritent le détour pour leur incompétence, leur nullité proche du surréalisme. On a droit à une poursuite en voiture ou la caméra tremble, où le bruitage ne correspond pas aux images en accéléré.

Dans le rôle de l’espionne, l’actrice Chesty Morgan affiche une vulgarité rarement rencontrée au cinéma. Même si elle apparaît furtivement dans le Casanova de Fellini (rôle néanmoins coupé), sa prestation consterne. On ne va pas se voiler la face, sans ses seins gigantesques et flasques, elle n’aurait jamais été prise. Outrageusement maquillée et fatiguée alors qu’elle a moins de 40 ans, elle ne démérite finalement pas au milieu d’une pléiade de comédiens tous plus mauvais les uns que les autres.

Les situations scabreuses s’enchaînent sans honte et on reste bouche bée devant ce spectacle affligeant. Amateurs d’érotisme, abstenez-vous. A ce niveau, c’est l’encéphalogramme plat. Enfin non pas plat mais hormis les roberts de l’héroïne et une partie de volley extraite d’un nudie en début de film (bonjour les stock shots), il n’y a rien de sexy dans ce film sinistre et limite regardable. Un film où une espionne assomme un personnage avec ses seins ça ne s’invente pas.

Supernichons est une série Z, une vraie : rien ne fonctionne, tout est absolument en dessous de tout. Pourtant, on peut y prendre, notamment en groupe, un plaisir masochiste. C’est un film à regarder à plusieurs pendant l’apéro car il est difficile de se concentrer seul devant ces 69 minutes faisant passer la plupart des pornos des seventies pour du Orson Welles. Mais il y a une condition pour se délecter de cette pellicule sauvage et moche : ne pas rater la version française qui détourne l’original avec un sens inouï du scabreux.

Les dialogues « crus » et grossiers fusent à l’instar de ce « bouge pas, je vais me laver le cul » ou « pose tes fesses sinon je te fais un deuxième trou ». Tout  est du même ressort. Les dialogues, délicieusement atterrants, n’ont apparemment rien à voir avec la version originale. Une pratique courante dans les années 70. On se rappelle de certaines comédies sexy italiennes beaucoup plus fun en français qu’en  Italien.

Supernichons contre mafia est assurément un navet absolu, l’un des pires OFNI  (objet filmique non identifié) du monde.  Ed Wood est un génie à côté de Doris Wishman, cinéaste qui n’a jamais baissé les bras puisqu’à 80 balais, elle continuait à tourner, notamment des petites bandes horrifiques fauchées.

 

(USA-1973) de Doris Wishman avec Chesty Morgan, Franck Silvano, Saul Smeth, Jill Harris. Edité par Sidonis Calysta. Durée : 69 minutes. Versions : français, Anglais. Sous titres : français. Format 1.77 original 16/9 respecté. Couleur

Bonus :

Présentation du film : Patrick Brion et Christophe Carrière contre Supernichons

Documentaire : « Le fabuleux destin de Doris Wishman »

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A propos de Manu

Docteur ès cinéma bis, Manu est un cinévore. Il a tout vu. Sorte d'Alain Petit mais en plus jeune, son savoir encyclopédique parle aux connaisseurs de films méconnus. Il habite près de Montpellier où il peut observer la faune locale : le collectif School’s out, l’éditeur le chat qui fume et l’éditeur Artus Films. Avec son air d’Udo Kier, il n’est pas exclu qu’on le retrouve dans une production de genre.

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