Wrong cops de Quentin Dupieux


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Wrong marquait l’aboutissement du système  Dupieux. Soit un mélange de non-sens maîtrisé, d’absurde et de surréalisme lorgnant du côté des derniers  Buñuel (Le fantôme de la liberté en l’occurrence). Le dispositif visuel et narratif offrait une belle cohérence, dépassant le cadre étroit de l’exercice de style grâce à la sensibilité du cinéaste et à ses brusques éclats de noirceurs. Mais le formalisme excessif laissait néanmoins présager un doute quant à l’avenir de Dupieux, répétant avec talent les motifs et gimmicks de ses deux précédents longs métrages, Steak et Rubber.

En affinant un style,  une vision du monde décalée, le réalisateur prenait le risque de se retrouver dans une proposition de cinéma confortable, recyclant à l’infini une formule efficace et immédiatement identifiable. Or il n’y rien de plus pénible que de sentir l’effet de signature. Ce n’est pas forcément bon signe de reconnaître dès les premiers plans la marque d’un auteur. Très conscient du problème, Quentin Dupieux, plutôt que d’appliquer une recette, décide de reprendre tout à zéro au risque de décevoir ses admirateurs.

Wrong cops est une comédie toute simple, totalement idiote et assumée comme telle. On retrouve évidemment la patte de Dupieux pour ce sens de l’incongru, l’irruption inattendue d’une violence gratuite et un sens topographique particulièrement réussi transformant une banlieue américaine, en un endroit quasi cauchemardesque. C’est bien dans cette utilisation du décor que réside la petite réussite de ce film mineur : rarement l’Amérique ne nous aura paru aussi flippante, hostile et froide avec ses rues désertes, ses villas peu entretenues, ses immeubles défraîchis. Le côté inesthétique de la photo (limite moche) renforce cette ambiance plutôt lugubre pour ce qui reste au fond une parodie très premier degré (concept étrange pour une parodie).

L’auteur de Steak ne s’est pas transformé en cinéaste grand public proposant d’un coup une comédie formatée, calibrée pour les chaînes de télé. Mais il s’oriente vers un cinéma nettement plus accessible et populaire. Wrong cops décrit le quotidien de flics « freaks » complètement crétins et surtout pourris jusqu’à la moelle. Duke deale de l’herbe qu’il emballe dans des rats morts. Ses collègues ne valent pas mieux, entre un obsédé sexuel qui séquestre les filles juste pour voir leurs nichons ou un borgne difforme (excellent Eric Judor) se rêvant star de techno, en passant par une fliquette adepte des méthodes musclées.

L’écriture ciselé de Wrong, laisse place ici à un esprit nonchalant, totalement désinvolte, enchaînant saynète sur saynète sans réel soucis de cohérence, ce qui est à la fois la limite et la bonne surprise du film. Wrong cops ressemble à un pilote inachevé d’une série télé.

Amusant mais rarement hilarant, ce pastiche se regarde sans déplaisir, ne serait-ce que pour l’abattage des comédiens tous parfaits. Mention spéciale à l’imposant  Mark Burnham, sorte de Brendan Gleeson en plus vulgaire et inquiétant. Ainsi qu’à Marilyn Manson parfait en éternel ado perturbé.

(USA/FRA) de Quentin Dupieux avec Mark Burnham, Eric Judor, Marilyn Manson. 


A propos de Manu

Docteur ès cinéma bis, Manu est un cinévore. Il a tout vu. Sorte d'Alain Petit mais en plus jeune, son savoir encyclopédique parle aux connaisseurs de films méconnus. Il habite près de Montpellier où il peut observer la faune locale : le collectif School’s out, l’éditeur le chat qui fume et l’éditeur Artus Films. Avec son air d’Udo Kier, il n’est pas exclu qu’on le retrouve dans une production de genre.

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