Le dernier pub avant la fin du monde


La fine équipe de Shaun of the dead et d’Hot Fuzz remet le couvert pour une troisième collaboration explosive après des escapades séparées, plus ou moins heureuses. On a retrouvé les deux hurluberlus, Simon Pegg et Nick Frost dans le décevant Paul tandis que le réalisateur Edgar Wright faisait joujou avec son amusant Scott Pilgrim, archétype même du film de geek.

Le dernier pub avant la fin du monde tente de retrouver la veine délirante et chaleureuse de Shaun of the dead. Au point de ressembler parfois à un copier coller, les extra terrestres remplaçant les valeureux zombies. Ne faisons pas la fine bouche, ce pastiche de SF paranoïaque se laisse voir avec un plaisir communicatif.

Le film commence comme une petite comédie anglaise inoffensive. Gary King, quadragénaire attardé, convainc ses quatre meilleurs potes du lycée de transformer l’essai raté de leur jeunesse : faire la tournée des 12 pubs dans leur ville natale et finir en beauté dans celui nommé justement La fin du monde. A partir de cette trame légère, Edgar Wright commence par une comédie douce amère sur le poids du temps, les illusions perdues. Le refrain nostalgique sur le bon vieux temps laisse un arrière goût de déjà-vu. Rien de transcendant ! Heureusement, au bout d’une bonne demi-heure, les intentions du réalisateur se révèlent après quelques pintes avalées par nos joyeux lascars. Le dernier pub… n’est ni plus ni moins qu’un détournement délirant et espiègle de L’invasion des profanateurs de sépulture, à la base un superbe roman de Jack Finney,  adapté à plusieurs reprises au cinéma (notamment par Don Siegel et Abel Ferrara).

Edgar Wright respecte à la lettre tous les codes inhérents au genre, à commencer par la parabole gentiment subversive, sur la déshumanisation de l’individu pris dans l’engrenage d’un système généré par une  pensée unique. Il y a d’ailleurs une idée marrante, que certains ont taxé de réac, mais qui se révèle plutôt bouffonne à l’écran : le consumérisme excessif et l’avancée technologique de ces  25 dernières années sont issus du conditionnement des extra-terrestres, largement en avance sur nous,  pauvres terriens idiots. Cette impression pour les gens normaux d’être parfois à la ramasse dans une société marchande où tout va toujours trop vite n’est finalement pas infondée. Un discours baba populiste convenu non dénué d’ironie en revanche.

Sinon, le film enchaîne les gags à un rythme d’enfer, les références fusent et certains seconds rôles, à commencer par Pierce Brosnan, sont particulièrement savoureux. Pour ma part, je regrette vraiment le manque d’audace d’un film qui reprend à l’identique la structure et certaines situations comiques de Shaun of the dead. Le rouge qui tâche des scènes gores se substitue à du sang bleu issu d’envahisseurs apparentés à des robots.

Une  paresse anime le cinéma de Wright mais une paresse jouissive qui nous prend gentiment par la main pour nous inviter à partager une ivresse cinématographique en compagnie d’ivrognes transformés en sauveurs de l’humanité le temps d’une nuit. Mais l’important dans tout cela est bien de s’envoyer le plus de bière dans un maximum de pubs, en dépit du danger qui rôde. Et de  terminer la mission à La fin du monde.  Le reste n’est que superflu. Dommage d’ailleurs que l’épilogue se vautre dans un humanisme mièvre et sans saveur, alors que tout le reste est plutôt un joli pied de nez à la morale conservatrice.

(GB-2013)  d’Edgar Wright avec Simon Pegg, Nick Frost, Rosamund Pike

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A propos de Manu

Docteur ès cinéma bis, Manu est un cinévore. Il a tout vu. Sorte d'Alain Petit mais en plus jeune, son savoir encyclopédique parle aux connaisseurs de films méconnus. Il habite près de Montpellier où il peut observer la faune locale : le collectif School’s out, l’éditeur le chat qui fume et l’éditeur Artus Films. Avec son air d’Udo Kier, il n’est pas exclu qu’on le retrouve dans une production de genre.

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