La petite fille qui aimait trop les allumettes n’est pas un spinoff de la série suédoise Millenium mais un roman québécois étrange de Gaétan Soucy, paru en 1998.
L’histoire raconte la destinée de deux enfants qui doivent faire face aux conséquences du décès brutal de leur père, qui s’est pendu. Il y a d’abord le choc : la découverte du cadavre, la confrontation avec la mort et l’absence d’un père qui régissait à peu près tout de l’existence des enfants. On compatit, on comprend mais peu à peu on découvre aussi que le père avait mis en place un système d’éducation assez particulier, basé principalement sur l’isolement des enfants.
L’auteur a choisi de prendre l’un des deux enfants (“le plus intelligent”) comme narrateur. On constate rapidement qu’ils ont été élevés à l’écart de toute civilisation et que ça en fait des enfants “à moitié sauvages”. A moitié, car ils avaient néanmoins accès à une énorme bibliothèque. Soucy a donc inventé un langage, fait de mots entendus ou lus, glanés à la hâte, ça et là, dans différents livres (l’éthique de Spinoza entre autres), et qui donne un mélange de termes grossiers et d’idées philosophiques. On y trouve à la fois des constatations très terre à terre et des raisonnements d’une logique implacable. Cela donne une sonorité particulière au roman, comme si on lisait effectivement le journal intime d’un adolescent perturbé. Car les connaissances des enfants sont biaisées, à la fois justes car prises dans les livres, mais à la fois totalement farfelues car les applications au monde réel ne sont pas pertinentes.
Le roman est dur et sec comme un coup de trique. Les événements vont crescendo dans l’horreur. Tout l’intérêt consiste à connaître le background de cette famille étrange et décomposée. Peu à peu on découvre l’univers glauque dans lequel ont été élevés les enfants : un mélange d’autorité excessive matinée de religion masochiste. Les lieux sont importants: il s’agit d’une grande demeure, à mi-chemin entre la ferme et le château, dotée de nombreuses dépendances mais qui semble tombée en déliquescence depuis longtemps.
Et puis il y a aussi la confrontation avec le monde du dehors. Les enfants se retrouvent obligés à rencontrer les gens du village. Ceux qui fait un choc culturel énorme, pour les uns tant que pour les autres.
J’ai eu du mal à accrocher à cause du style assez spécial donné à la voix de l’enfant. Pourtant, à la fin de la première partie, il y a un “twist” qui change considérablement la donne et qui fournit à l’apothéose une puissance qui dévaste tout sur son passage et qui explique la tonalité particulière de l’oeuvre. On en ressort lessivé.
Gaétan Soucy est mort d’une crise cardiaque à l’âge de 54 ans, il n’y a pas si longtemps, en juillet 2013. La lecture de la petite fille qui aimait trop les allumettes, qui lui a valu une renommée internationale, est obligatoire.
Magistral…
Magistral …………………………………