Toujours en quête de sujets extrêmes, avec par exemple Grizzly Man (l’homme qui a vu l’homme qui a touché l’ours qui a mangé l’homme), ou Into the abyss qui jette un coup d’oeil dans le couloir de la mort, Werner Herzog trouve là un sujet en or. La grotte de Chauvet est en effet le lieu où l’on trouve l’une des plus anciennes traces de l’homme.
Les contraintes de tournage extrêmement fortes ont toujours fait tripper Werner Herzog. Se frotter à la nature sauvage ou aux hommes violents, côtoyer la mort, le réalisateur a toujours eu cette envie de se mettre en danger, si possible de manière spectaculaire. Ainsi, les mesures drastiques de protection de la grotte semblent le réjouir. Le site est évidemment interdit au public mais les scientifiques et l’équipe de tournage n’ont droit qu’à un temps très limité à l’intérieur. Il ne faut toucher à rien et les pieds doivent rester sur le support métallique aménagé. Il n’y a pas d’éclairage et l’équipe doit emporter des spots avec un ceinturon de batteries ! Il convient de ne pas répéter les mêmes erreurs qu’à Lascaux où la simple respiration des visiteurs a gravement endommagé les fresques.
Le spectacle est fascinant. Celui qui en parle le mieux est sans doute ce jeune archéologue à queue de cheval, ancien jongleur (Herzog l’a interrogé sur son passé dans le milieu du cirque !). Il parle de choc émotionnel et évoque de nombreux rêves qu’il a faits après ses premières descentes. Malgré des outils rudimentaires, l’artiste qui a dessiné ces oeuvres il y a plus de 30 000 ans, a utilisé des techniques élaborées pour concevoir la représentation. Il a utilisé le relief des pierres, a joué sur la profondeur de champ, et on a même trouvé des esquisses de mouvement, ce que Herzog appelle le proto-cinéma ! A cause d’un éboulis, la grotte a été scellée de manière hermétique. C’est ainsi que tout ce qui était dans la grotte a pu être conservé tel quel durant des dizaines de milliers d’années. Et c’est bien cette impression étrange qui se transmet à travers le documentaire, celle d’avoir à faire à quelque chose qui a été créée hier. Les traces des fresques semblent fraîches, les ossements semblent avoir été déposés récemment. Herzog appelle la grotte une « time capsule », en d’autres termes une machine à remonter le temps. C’est sans doute ce qui est le plus impressionnant.
Le réalisateur interroge les scientifiques en charge des recherches sur la grotte. Outre les fresques, de nombreux ossements comme des crânes d’ours ont été retrouvés. On nous apprend des choses sur la grotte mais aussi sur la vie en dehors : comment était la régi0n ardéchoise à l’époque (pleine de gros animaux et de glaciers géants), les différents événements ayant eu lieu à l’intérieur sont parfois séparés par des milliers d’années. Des chercheurs dressent des parallèles avec d’autres traces de culture ailleurs dans le monde, pour essayer de comprendre le passé. Comme d’habitude, le réalisateur allemand s’intéresse à des personnages un peu hors-norme comme cet ancien parfumeur, recruté pour étudier les odeurs de la grotte (pas de mauvais jeu de mot, please).
Avec beaucoup d’humour, Werner Herzog aime taquiner son public. Il aime le mystère et mettre en avant des choses inexplicables. C’est ainsi que l’on découvre un dessin étrange, une sorte de minotaure féminin, qui ouvre des possibilités intéressantes quant à l’état de la spiritualité de l’époque. Herzog nous titille car la pierre, sorte de protubérance, n’est pas visible dans son intégralité sous peine d’abîmer le sol. A la fin du film, grâce à une caméra sur une perche, il nous permet d’en voir un peu plus, créant ainsi un climax à son film !
La fin du film s’attarde sur chaque fresque en gros plan. On peut y admirer les détails et constater la variété des espèces représentées (rhinocéros, loups, lions, chevaux, mammouth, etc) et se dire que ce documentaire sera probablement le seul et le meilleur moyen d’avoir un aperçu « vivant » de ce lieu devenu un sanctuaire archéologique.
Voir ce film devrait presque être un devoir de citoyen ! Malheureusement je l’ai découvert au cinéma en 3D… En sortant j’ai faillit lâcher une napolitaine tellement ça m’a torturé les yeux, le cerveau, le bide… Et je crois que j’étais pas le seul à être malmené. Soit la salle n’était pas au point sur la technique, soit je ne supporte décidément pas la 3D. Je redécouvrirai tout ça avec une bonne 2D, même si je comprends les intentions d’Herzog avec la 3D. Je me souviens ne pas avoir beaucoup aimé la musique aussi, qui donne beaucoup dans les aigus, mais un second visionnage me permettra surement d’être davantage client. Je connais pas « Into the abyss »…
Très chouettes les présentations des rédacteurs ! 😉