The hole, de Joe Dante


Quel plaisir de retrouver Joe Dante derrière la caméra après quelques années d’absence si l’on excepte les deux épisodes épatants  des Masters of horrors, Vote ou crève et La guerre des sexes,  et un film de commande décevant, Les looney Tunes passent à l’action. Surprise ! The hole a été tourné en 3D et contrairement à ce que l’on pourrait imaginer de prime à bord il ne s’agit absolument pas pour Dante de surfer sur une mode ou de reconquérir un public perdu depuis longtemps (son dernier succès en salles remonte à … Gremlins).

La 3D n’est pas un simple gadget, un effet cache misère censé pallier la déficience d’un script foireux et d’une mise en scène hasardeuse. Au contraire, Dante continue d’explorer le passé et de creuser un sillon cinéphilique en nous rappelant que la 3D ne date pas d’aujourd’hui mais des années 50. Le météore de la nuit, L’étrange créature du lac noir,  L’homme au masque de cire et Le crime était presque parfait comptent parmi les quelques classiques tournés en relief (terme utilisé à l’époque) qui ont nourri la passion du cinéma de Dante. Il suffit de revoir le magnifique Panique sur le Florida beach pour mesurer le rapport quasi fétichiste que Dante entretien avec le cinéma dit de genre ou d’exploitation. Hélas, le cinéaste autrefois à succès de Gremlins doit se contenter aujourd’hui d’une sortie directe en dvd et blu ray.

Ultra référentiel et pourtant très accessible, The hole est aussi l’occasion pour Dante de nous replonger dans une ambiance très eighties : l’atmosphère pavillonnaire middle class nous renvoie à Poltergeist et Gremlins, le monde de l’enfance et de l’adolescence prolonge le magique Explorers, tandis que le personnage de la mère qui passe à côté du récit est un écho direct à Dee Wallace Stone dans E.T.. Le charme opère dès les  premières minutes et les admirateurs de Dante vont être aux anges pendant 90 minutes d’un cinéma nostalgique mais jamais passéiste. Et surtout plus sombre que par le passé.  Si dans Explorers, nos jeunes héros ont la tête tournée vers les étoiles, dans The hole, au contraire, les personnages vont affronter leurs propres démons et descendre dans les tréfonds des ténèbres.

Le postulat est simple : une mère et ses deux enfants, un lycéen et son jeune frère, emménagent dans un bled paumé, Bensonville. Ils semblent tous trois fuir une menace invisible mais concrète (un père violent, en prison). Les deux fils vont découvrir dans la cave un trou qui semble sans fond. Avec l’aide de la fille des voisins, ils vont tenter de percer le mystère de cette cavité qui renferme un secret effrayant. Parallèlement, nos trois enquêteurs en herbe sont assaillis de visions spectrales.

L’intrigue (trop ?) linéaire et prévisible, est dynamisée par une mise en scène élégante, centrée sur l’économie et l’efficacité. Visuellement, le film est même parfois éblouissant tant par ses recherches graphiques que par l’utilisation démente des décors (mention particulière au repère rempli de lampes du personnage incarné par Bruce Dern). Les séquences finales, à l’intérieur du trou béant, sorte de quatrième dimension explorant la psyché des personnages, évoluent dans des décors tarabiscotés à  géométrie variable défiant les lois de la perspective. Les plus jeunes spectateurs évoqueront irrémédiablement Tim Burton, les plus âgés penseront au délirant les 5 000 doigts du Docteur T ou au Cabinet du Docteur Calligari.

Avec beaucoup de finesse et un sens de la narration intacte, Joe Dante nous parle directement au cœur, de nos peurs enfantines nourries par des traumas divers (le père, les clowns, la mort accidentelle d’une petite fille) sans jamais verser dans la facilité, la mièvrerie ou une forme de moralisme réactionnaire qui guette ce genre de projet.

Véritable film d’épouvante (pour pré ado ou grands enfants) dénué du moindre effet sanglant et tourné avec un budget serré, The hole n’est jamais atteint de gâtisme et retrouve avec un naturel poignant l’univers des meilleurs films du cinéaste dont le récent et opportuniste Super 8 s’est fortement inspiré. Dante n’est pas has been, il reste l’un des meilleurs artisans du cinéma de divertissement américain. L’un des plus modestes, cultivés et brillants. A ne pas rater.

 (USA-2009)  de joe Dante avec Chris Massoglia, Harley Bennett, Bruce Dern,  Teri Polo. CTV (DVD et BLU-RAY / BLU-RAY 3D) (blu-ray et dvd). Format : 16/9 1.85. Audio : Français, Anglais  5.1. Sous titres : Français. Bonus :  bandes-annonces.


A propos de Manu

Docteur ès cinéma bis, Manu est un cinévore. Il a tout vu. Sorte d'Alain Petit mais en plus jeune, son savoir encyclopédique parle aux connaisseurs de films méconnus. Il habite près de Montpellier où il peut observer la faune locale : le collectif School’s out, l’éditeur le chat qui fume et l’éditeur Artus Films. Avec son air d’Udo Kier, il n’est pas exclu qu’on le retrouve dans une production de genre.

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