Paru il y a peu chez l’excellent éditeur lyonnais Les Moutons Electriques, Extrême ! aborde frontalement un sujet auquel se sont fatalement intéressés un jour ou l’autre (de près ou de loin) les amateurs de cinéma de genre : les films les plus extrêmes, ceux qui piétinent la décence, et repoussent les limites de ce que le spectateur est capable d’endurer à l’écran. Salô ou les 120 journées de Sodome, Cannibal Holocaust, et La dernière maison sur la gauche pour les plus cèlèbres, Camp 731, Ebola Syndrome et la série des Guinea Pig pour les plus pointus, ou encore The Human Centipede (Full Sequence) et A Serbian Film pour les plus récents.
Divisé en trois parties distinctes complétées par une introduction, une conclusion, et une très complète bibliographie, l’ouvrage de Julien Bétan aborde dans un premier temps le phénomène des mondo movies et des films snuff, enchaîne sur des genres comme le survival, le rape’n’revenge, et la vague récente des torture porn, et termine par la nazisploitation, les category III de Hong-Kong et les films de serial killer. Un panorama exhaustif, passionnant, instructif et remarquablement mené, qui fournit au néophyte toutes les clés nécessaires pour comprendre et explorer ce cinéma de l’extrême, et propose à l’amateur chevronné une synthèse convaincante de ses connaissances enrichie de nombreuses anecdotes.
Au-delà de cette visite guidée du « cinéma vomitif », Extrême ! propose également une réflexion sur les rapports du spectateur à l’ultra-violence portée à l’écran, et au rôle que joue cette dernière dans notre société. Et c’est ce deuxième angle d’approche qui pourra éventuellement laisser les plus intransigeants des lecteurs sur leur faim. Non pas que l’auteur ait baclé le travail sur cette dimension de l’ouvrage, loin de là : Extrême ! aborde de nombreuses pistes intéressantes, amorce une ouverture bienvenue sur une approche plus socio-politique du sujet, et témoigne de toute évidence d’une réflexion approfondie sur la question. Simplement l’ouvrage possède les défauts de ces qualités. Concis (150 pages), précis, et didactique, il ne peut juste pas se permettre la rigueur, la profondeur, la densité et l’approche analytique d’une thèse universitaire, et ainsi prétendre au titre d’ouvrage de référence ultime sur le sujet.
Ce petit bémol souligné, et en dépit d’un travail de relecture un peu hâtif (quelques mots de liaison manquent à droite, à gauche, rien de très grave non plus), Extrême ! n’en demeure pas moins un livre des plus recommandables. A la fois complet et accessible, intelligemment illustré (excellente idée que d’avoir choisi des reproductions rares d’affiches de films pour entrecouper les chapitres), et surtout très bien écrit – une qualité suffisamment rare dans les ouvrages consacrés au cinéma pour qu’on la souligne ici-même – il nous venge en quelques heures de lecture des insupportables logorrhées débitées à longueur de semaine par les médias mainstream et réacs à la petite semaine sur la soi-disant « influence néfaste des films et jeux vidéos violents sur les jeunes ». Et c’est peu dire que ça fait du bien…
Extrême ! Quand le cinéma dépasse les bornes, de Julien Bétan (Les moutons électriques), 19 €
Encore un livre à acheter, mais quand j’aurai terminé « Vies et morts du Giallo ».