Hasard du calendrier, l’un des tous premiers films de John Carpenter ressort un mois après son dernier, The Ward. La sortie en DVD blu ray chez Metropolitan d’Assaut est en soi un petit évènement qui ravira les amateurs du cinéaste, frustrés par les éditions précédentes absolument indignes. En effet, si la version intégrale était présente, à contrario de certaines diffusions télé, il fallait se farcir une copie atroce, aux couleurs délavées et à l’encodage vraiment lamentable, à peine digne d’une VHS bon marché. Depuis le temps qu’on nous l’annonçait, l’impatience des fans bouillonnait. Force est de reconnaître que le résultat est stupéfiant. Si l’on excepte une courte scène au grain gênant, la copie est splendide, restituant à merveille la pureté de la mise en scène de Carpenter.
Assaut débute en fanfare par l’exécution gratuite d’un gang par la police, aveuglée par une justice expéditive, excessive et un peu irréelle. Le regard de Carpenter est neutre, glacial. Cette distanciation nécessaire est une percutante entrée en matière dans un film marqué par l’abstraction. La musique électronique composée par John himself, hypnotique et minimaliste, renforce cette impression.
Fidèle à ses prologues, Carpenter met en scène des personnages filmés en montage alterné, qui finiront par se retrouver dans un lieu commun. Il démontre dès son second long métrage, après le rigolo film de fin d’études Dark star, une aptitude innée à construire une intrigue simple mais solide, à instaurer un climax topographique saisissant dans lequel évolue des personnages archétypaux. Les protagonistes de ce thriller urbain vont se retrouver assiégés à l’intérieur d’un commissariat par une menace extérieure, ancrée dans un réel déterminé (les minorités ethniques) mais échappant à toute forme de discours sociologique ou idéologique.
Assaut n’est ni un pamphlet gauchiste ni un plaidoyer ouvertement sécuritaire. Les membres du gang de rue de Los Angeles n’appartiennent à aucun groupe social précis, ils n’ont pas de revendications, ne s’expriment presque jamais. Ils semblent animés par une force surnaturelle les poussant à un rituel de violence fort dans ce western moderne teinté de fantastique.
Si j’évoque le western ce n’est pas un hasard. Un commissariat ou plutôt le siège du sheriff assiégé, un groupe d’individus hétéroclite vont s’unir pour affronter un ennemi commun ça ne vous rappelle rien ? Allez un petit effort. Pensez à un classique du western de 1959. Rio bravo !!! Plus qu’un remake, Assaut est une variation post moderne et ultra violente du chef d’œuvre d’Howard Hawks, redynamisant sa thématique intemporelle, soit l’amitié improbable entre représentant de la loi et un repris de justice face à un problème commun. Les barrières sautent quand il s’agit d’agir. L’exaltation de l’amitié virile, qui n’exclut d’ ailleurs pas les femmes, est un des grands dadas Hawksiens, cinéaste fétiche de l’auteur de The Thing, par ailleurs remake officieux d’un film de Hawks. D’ailleurs, Le montage est signé John T. Chance, nom du personnage incarné par John Wayne dans Rio Bravo. Evidemment, il s’agit d’un pseudo derrière lequel se cache big John en personne. En vérité, Assaut devait à l’origine être un vrai remake de Rio Bravo mais Carpenter n’avait pas d’argent pour payer les chevaux.
Le grand vainqueur d’Assaut n’est pas son scénario, linéaire et sans grande surprise, mais sa mise en scène, épurée et virtuose. Agé d’à peine 28 ans en 1976, John Carpenter démontre qu’avec un budget misérable et des acteurs inconnus, il est possible d’ambition formelle. Le sens du cadrage et du découpage se déploie dans un univers anxiogène et insolite mis en valeur par un scope magnifique. Chez Carpenter, le scope n’est nullement une affèterie d’esthète. Il utilise intelligemment l’espace, et surtout les extrémités du cadre conférant à certains plans un aspect pictural marqué par l’hyperréalisme.
Toujours aussi captivant 36 ans après sa réalisation, Assaut est ponctué de séquences chocs d’une efficacité redoutable, qui avaient été censurées pour des raisons morales. Le meurtre de sang-froid, plein champ, d’une petite fille venue chercher une glace en est un exemple foudroyant. La séquence construite sur un suspense orchestré de main de maître est d’une brutalité inouïe. Longtemps absente des copies 35, ce passage, très hitchcockien dans sa mise en place, possède toujours une puissance cinétique qui prouve que la violence transperce le spectateur si et seulement si elle est sublimée par une mise en scène à la hauteur.
Véritable western des temps modernes (on pense aussi à Alamo de John Wayne), ne faisant jamais l’apologie de la violence, Assaut a depuis, influencé de nombreux films, des Guerriers de la nuit de Walter Hill à Siège de Paul Donovan. En France, Nids de guêpe de Florien EmilIo Siri est quasiment un décalque du film de Carpenter. Jean-François Richet a réalisé un remake aux Etats Unis avec Ethan Hawks et Samuel Jackson transformant l’original en un thriller efficace mais passe-partout.
(USA-1976) de John Carpenter avec avec Austin Stocker, Laurie Zimmer, Darwin Joston, Nancy Loomis. Format : 2 :35 (16/9). Audio : français DTS 2.0 mono, Anglais 5.1 DTS-HD. Sous titres : Français. Durée : 91 mn. Bonus : le commentaire audio de Carpenter, la production du film (16 mn), entretien avec John Carpenter et Austin Stocker, la musique du film sur piste séparée, la bande-annonce, les spots radio.
Tu veux un clop ? Cette remarque de la version française m’a toujours marqué. Le remake de Richet est très ennuyeux, je trouve…
« Tu veux un clop ? Cette remarque de la version française m’a toujours marqué. »
Idem ! Sinon, c’est mon Carpenter préféré je crois (avec Jack Burton, mais pour d’autres raisons 😉 )
Ces « autres raisons » me paraissent bien énigmatiques, cher Damien. Y aurait il du polisson là dessous ?
Euh, non, le film est plutôt chaste dans mes souvenirs ?! C’est plutôt que le ton entre ces deux métrages est radicalement différent !
Ah oui… J’ai vraiment l’esprit mal tourné. Oui effectivement, le ton est différent. J’ai toujours un petit problème avec les Carpenters: souvent très bien réalisé et une ptite claque à la découverte, mais toujours ce leger ennui à la relecture, rien à faire…