The devil times five / The killing kind


Artus se lance dans une collection consacrée à l’horreur US 70’s, ce qui ne peut que réjouir l’amateur de pépites introuvables, d’autant que, mise à part quelques films très connus ou cultes, il reste beaucoup de perles à découvrir. L’éditeur qui avait déjà sorti le magnifique Messiah of evil dont on vous avait dit le plus grand bien sur ce site, poursuit son exploration de titres méconnus avec deux raretés qui bénéficièrent néanmoins en leur temps d’une exploitation vidéo.

The devil times five de l’inconnu Sean Mc Gregor mérite le détour pour le portrait cynique et agressif de cinq enfants dérangés mentalement. Un accident d’autobus leur rend la liberté. Ils vont s’immiscer dans une vaste demeure où séjourne pour les vacances une famille particulièrement antipathique. Si les vingt premières minutes n’augurent rien de franchement emballant (musique vieillote pénible, dialogues peu inspirés et dispositif long à mettre en place), la suite surprend par son ton politiquement incorrect et particulièrement transgressif. La violence d’un récit ponctué de meurtres sadiques, ne cesse de surprendre tout au long du métrage. Le premier crime, gratuit et inattendu, filmé au ralenti dans un style visuel quasi expérimental, fascine autant qu’il dérange. Voir des gosses, dont une étrange future nonne, exécuter gratuitement un homme, fait froid dans le dos. Cette séquence détermine sans explication psychologique superflue le caractère malsain de ces êtres en apparence inoffensifs. Évidemment, le film prend racine au cœur des années 70, période symptomatique de la perte des illusions, du pessimisme et du refus de l’innocence comme valeur refuge. L’enfant n’est plus, du moins dans le cinéma de genre, un être à protéger mais une incarnation du mal, un danger potentiel sous des traits angéliques comme en témoigne des œuvres aussi différentes que La malédiction, Les révoltés de l’an 2000, Attention les enfants regardent ou plus près Les tueurs de l’éclipse. Bien sûr dans les années 60, Les innocents et Le village des damnés avaient déjà traités le terrain mais de manière moins directe.

Sans être une réussite absolue, The devil times five (Cinq fois la mort) tire le meilleur parti de son atmosphère lugubre et nihiliste, en multipliant les séquences « choc » inventives et variées (dont une excellente scène avec des piranhas dans une baignoire). La bonne idée de ce petit film d’horreur glaçant est de présenter les enfants comme de véritables psychopathes en puissance, des rejetons improbables des tarés borderline de La dernière maison sur la gauche ou de Week-end sauvage. Le spectateur, médusé, n’éprouve aucune empathie envers les victimes, représentation archétypale d’un comportement décadent de l’univers des adultes : nymphomanes, alcooliques, débile léger, patron méprisant et arriviste s’activent pour rester en vie sans que cela nous provoque la moindre émotion. Cette distanciation est la limite et la force de cette petite série B fauchée, extrême et inventive, qui se refuse à toute forme de happy-end. Je déconseille fortement la version française, exécrable, qui ne fait que souligner la médiocrité de l’interprétation.

A l’opposé, dans une veine plus mesurée et subtile, The Killing kind détourne un sujet sordide pour mieux sonder les rapports ambigus et troubles entre un fils dérangé et une mère possessive avec une finesse inhabituelle dans ce type de production. Sous ses airs de série B racoleuse, ce lointain rejeton de Psychose s’avère en réalité un étonnant portrait d’un jeune homme, Terry,  traumatisé par un viol collectif, auquel on l’a obligé de participer. Accusé par la victime, il va purger une peine de deux ans de prison. Libéré, il retourne chez sa mère mais il est psychologiquement perturbé et affecté. Il a développé une haine pathologique envers les femmes. L’intelligence du récit est de jouer sur le leurre de la vengeance, bien pratique au préalable pour justifier son comportement psychotique. En effet, Terry s’en prend d’abord à celle qui l’a envoyé au trou puis à son avocate qui n’a pas su le défendre. Mais ensuite, il ne peut réprimer ses pulsions et il va continuer dans sa lancée. Il glisse progressivement vers la folie sous l’œil complice de sa mère. La mise en scène discrète et efficace du méconnu Curtis Harrington sert un script à la fois théorique et limpide, décrivant un univers purement féminin. Elle s’efface surtout derrière les prestations fascinantes du débutant John Savage, grand acteur oublié et de l’ex-starlette des années 30-40, Ann Sothern, qui incarne la mère avec une présence physique digne d’une Bette Davis. L’intensité de leur relation fait tout le prix de The Killing Kind, thriller mental à mi chemin entre le pur film d’exploitation et le cinéma d’auteur fourmillant d’idées conceptuelles (le côté film-cerveau est à explorer), comme en témoigne une fin mélancolique et émouvante là ou d’autres artisans se seraient engouffrés dans des effets grands guignols.

Une œuvre attachante qui donne envie de se replonger dans la filmo d’Harrington, formé par Roger Corman et dont certains de ses films devraient être redécouverts comme Le diable à trois, thriller avec Simone Signoret ou What’s the Matter with Helen?, excellent polar horrifique.

 

 

The devil times five (USA-1974) de Sean McGregor avec Sorrell Brooke, Gene Evans, Taylor Lacher

DVD 9 – PAL – Zone 2. Format : 1.33 original respecté – 4/3. Durée : 86 min. Langues : français, anglais. Sous-titres : français Couleur

Bonus DVD : court-métrage “Play with fire” de Kévin Favillier, Bandes-annonces, Galerie de photos

 

The killing Kind (USA-1973) de Curtis Harrington avec John Savage, Ann Sothern

DVD 9 – PAL – Zone 2. Format : 1.85 original respecté – 16/9ème compatible 4/3. Durée : 96 min. Langues : français, anglais. Sous-titres : français Couleur

 

Bonus DVD : présentation du film par Frédéric Thibaut, spécialiste du Cinéma-Bis. Court-métrage “Bloody current exchange” de Romain Basset. Bandes-annonces

 


A propos de Manu

Docteur ès cinéma bis, Manu est un cinévore. Il a tout vu. Sorte d'Alain Petit mais en plus jeune, son savoir encyclopédique parle aux connaisseurs de films méconnus. Il habite près de Montpellier où il peut observer la faune locale : le collectif School’s out, l’éditeur le chat qui fume et l’éditeur Artus Films. Avec son air d’Udo Kier, il n’est pas exclu qu’on le retrouve dans une production de genre.

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