Plutôt qu’une interview au sens strict, ce fut avec David Scherer, technicien des effets spéciaux de maquillages très réputé (que l’on connait depuis longtemps dans la maison), une discussion à bâtons rompus sur le thème du giallo et son illustration dans les deux films de François Gaillard et Christophe Robin : Blackaria et Last Caress. Le premier venait justement de sortir en DVD, édité par Le Chat qui fume, et le deuxième était en cours de finition au moment de l’entretien. Le giallo, genre profondément italien par nature, renaitrait-il peu à peu de ces cendres, là où ne l’attendait pas ?
Première partie : Autour du Giallo
Le Venin de la peur de Lucio Fulci (1971)
Que représente le giallo pour toi ?
Pour moi, le giallo est un genre à part entière que j’apprécie beaucoup. Déjà, par sa diversité, tout en étant extrêmement codifié. J’aime son imagerie et le fait aussi que, dans tous les gialli, même les plus méconnus et parfois les plus ratés, il y a toujours une séquence extraordinaire, une petite perle.
L’imagerie est souvent ce qu’on pense en premier quand on évoque le genre. Les belles femmes, la photographie recherchée, les fétiches…
Absolument ! Tout son graphisme… Ses meurtres à l’arme blanche…
Quels sont tes titres préférés du genre ?
Mes titres préférés ? Opera, Les Frissons de l’angoisse (Profondo Rosso), La Longue nuit de l’exorcisme (Non si sevizia un paperino), La Queue du Scorpion (La coda dello scorpione), Le Venin de la peur (Una Lucertola con la Pelle di Donna),…
Argento, Fulci, Martino… Pas de Mario Bava ?
6 femmes pour l’assassin (Sei donne per l’assassino / Blood and Black Lace), forcément. Bava était le précurseur de ce genre. Il en a établi les bases et ensuite Dario Argento a systématisé son travail. Je trouve Ténèbres (Tenebrae), que j’ai revu a Gérardmer, superbe, dans l’esthétique et la thématique. Mais surtout, j’aime énormément les gialli de Lucio Fulci. C’est, de toute façon, un genre qui m’attire, donc peut-être que je ne suis pas trop objectif.
Il semblerait que le giallo soit le genre d’une époque et d’un pays spécifique et pourtant les projets fleurissent ici et maintenant. Aurais-tu un avis sur ce petit retour du giallo actuellement en France ? Celui qui a été le plus remarqué est Amer qui est plutôt une variation expérimentale sur le giallo qu’un giallo proprement dit tel qu’il se définissait à l’époque.
J’ai l’impression qu’il y a un retour en arrière mais dans le bon sens parce que le giallo expérimentait. On sentait une patte, une vraie recherche graphique et artistique, un style, alors qu’aujourd’hui, beaucoup de films d’horreur semblent tous sortis du même moule.
C’était un cinéma détonnant dans le sens que c’était produit comme à l’usine pour engranger le plus d’argent possible mais qu’en même temps, dans ce cadre ultra-commercial, il y avait énormément d’expérimentations conceptuelles, des effets de caméra ou des trouvailles sur le cadre et le montage, un jeu sur les couleurs.
Tout a fait. C’est une chose qu’on ne retrouve plus récemment, dans nos films d’horreur, si ce n’est le coté « massacre pour le massacre ». Je ne citerais pas de titres.
Tu pense que le cinéma d’horreur s’est totalement appauvri ?
Il s’est appauvri, c’est sûr. Mais on peut encore faire quelque chose pour le sauver. Le nombre de projets un peu « pirates » qui voient le jour en témoigne, ça génère de l’inspiration. C’est en bonne voie, je pense.
Mais à quoi tu attribue cette alternative du giallo en ce moment ? Le ras-le bol du survival et des films de zombies ?
Peut-être le ras-le-bol des mauvais films pas très inspirés, justement…
En choisissant le giallo, il est possible de réaliser un très beau film, très esthétique, avec relativement peu de moyens, ça doit jouer.
C’est ça. On peut aussi parler d’un retour aux sources. C’était un genre très « fait main », très artisanal.
Je pense que la défunte maison d’édition DVD Neo Publishing a aidé pour faire connaître ce genre en France. Ils ont du avoir un rôle dans ce relatif regain du giallo dans notre pays.
Merci à eux ! Ils ont pu nous faire redécouvrir des classiques dans de bonnes conditions.
Les Frissons de l’angoisse / Profondo Rosso (1975) – Le plus grand des gialli.
Excellente ITW, comme à chaque fois.