A – ON / OFF
À lire que si vous n’avez pas encore appuyé sur le bouton.
1976. Les Lewis sont une famille américaine soudée. Le mari travaille pour la NASA à Langley, son épouse enseigne la littérature, leur enfant suit sa scolarité. Tout va pour le mieux jusqu’à ce que le couple subisse des revers cinglants sur le plan professionnel et financier.
C’est alors qu’ils reçoivent un paquet dans lequel se trouve une boite en bois surmontée par un bouton sous une capsule. Un personnage mystérieux, Arlington Steward, apparaît pour leur proposer un marché en termes clairs mais implacables. Si les Lewis appuient sur le bouton, il leur sera versé un million de dollars, mais en contrepartie, quelqu’un mourra. Quelqu’un qui leur est étranger. Et ceci, n’importe où. S’ils choisissent de ne pas agir, la boite disparaitra de leur vie et cette manne providentielle ne sera plus qu’un souvenir.
Ils disposent de vingt-quatre heures pour prendre leur décision. Le messager repart et laisse le couple seul, perdu dans ses interrogations, puis plongé dans les affres de ses angoisses. L’Effet-papillon peut désormais déployer ses ailes.
En seulement trois films, Richard Kelly a bâtit une œuvre atypique qui ne peut que diviser dans les jugements. En 2001, venu de nulle part, Donnie Darko allait marquer les esprits en déroutant le « teen movie » par des dérapages thématiques de toutes sortes. Après le controversé Southland Tales, considéré soit comme un pâté indigeste, incompréhensible et prétentieux, soit comme une envolée satirique qui pointe le doigt sur le chaos de notre ère, il serait permis de croire que Kelly ait versé une généreuse dose d’eau dans son vin. Ce serait mal le connaître.
Dans les années quatre-vingt, Richard Kelly découvre la nouvelle Le Jeu du bouton (« Button, Button » – 1970) de Richard Matheson. En une nouvelle de huit pages glaçantes toute la patte Matheson s’impose : un postulat simple, un développement sans fioritures, un coup de marteau sur le lecteur dans les dernières lignes. La nouvelle fut déjà adaptée par Peter Medak (The Changelling) en 1986 dans la série The New Twilight Zone. Il est à noter que cette version propose un changement notable pour la chute finale qui déplut fortement à l’auteur au point qu’il refusa d’apparaitre sous son vrai nom au générique pour le poste de scénariste.
Mais revenons à nos boutons. Sur tous les sujets qu’il aborde, Kelly veut imposer ses questionnements et démonstrations quitte à parfois laisser son spectateur sur le bas-côté de la route de la compréhension. Il s’est donc réapproprié la nouvelle initiale. La collision entre le style Matheson, dompté par la concision, et le style Kelly, porté sur le foisonnement de thèmes disparates, provoque quelques anicroches. Malgré cela, la première moitié du métrage fait nettement plus penser à Night Shyamalan qu’à l’auteur de Southand Tales.
Disons le tout net, la première phase de The Box s’avère soufflante de maitrise. Une phase sans un bout de gras, tendue, riche. Toute une atmosphère de paranoïa globale s’y développe dans une inquiétante étrangeté, dans un brillant hommage au cinéma américain anxiogène d’après le scandale du Watergate. Sous le quotidien, une conspiration au-delà des dilemmes qui agitent la cellule familiale se tisse. Les détails intrigants affluent et se recoupent. Le jeu du bouton aurait-il un lien avec le programme Viking, ces missions d’observation du sol de Mars ?
En tant qu’outil de narration, il est bien exploité que les questions savamment posées sont plus fascinantes que les réponses, ne serait-ce que dans les séries télévisées comme X-Files ou Lost pour citer des références dans ce domaine. Une fois la partie Matheson exposée, la partie Kelly domine. Et là, que ce soit en bien ou en mal, il va falloir s’accrocher.
Si vous n’avez pas vu The Box, il vaudrait mieux interrompe la lecture à ce stade afin d’éviter d’en savoir trop.
À tout de suite sur la deuxième page, sinon…