L’enterré vivant, de Roger Corman


Guy Carrell est un médecin obsédé par l’idée d’être enterré vivant comme le fut jadis son paternel.  Après avoir repoussé la date de son mariage avec Emilie Gault, il finit par capituler Le voilà un époux apparemment combler. Mais très vite sa névrose et paranoïa reprenant le dessus. Il  se fait construire un tombeau machiavélique lui permettant de se sortir facilement en cas d’enterrement prématuré.

L’enterré vivant souffre d’une mauvaise réputation et est considéré comme la plus médiocre adaptation d’une nouvelle de Poe par Corman. Les réussites exceptionnelles de La chambre des tortures et du Masque de la mort rouge ne doivent cependant pas ternir aussi radicalement les moins bonnes tentatives du pape de la série B.

Tourné entre La chambre des tortures et l’Empire de la terreur, L’enterré vivant n’est certes pas un chef d’œuvre. Le scénario, bancal et peu original, met un certain temps à se mettre en place.  Corman ne parvient pas toujours à dynamiser un récit inégal qui prend une tournure beaucoup plus enlevée dans sa seconde partie, induisant l’idée que Guy Carrell serait en fait victime d’une terrible machination. L’intrigue  tient davantage du suspense psychologique à la Boileau-Narcejac (le syndrome des Diaboliques a encore frappé !) que de l’épouvante gothique cher à l’auteur du Chat noir. La nouvelle de Poe est si ténue à l’origine qu’en tirer un long métrage fidèle est une hérésie en soi.  Il s’agit d’un long monologue existentiel sur l’horreur que subit un enterré vivant. A ce compte, Corman ne pouvait pas en tirer grand-chose. Plus prosaïque, il oriente son récit du côté des thrillers réalisés par la Hammer ou des films gothiques américains à l’instar  du Château du dragon ou de Rebecca.

Mais, la première partie du film est inutilement bavarde et statique, le caractère extrêmement fauché de l’entreprise, une fois n’est pas coutume, ne parvient pas  à être transcendé par les trucs « poétiques » du réalisateur. La direction artistique de Daniel Haller et Floyd Crosby est plus conventionnelle que d’habitude. Détail frappant :  En lieu et place des châteaux démesurés avec ses pièces gigantesques dotées d’une architecture dantesque, les deux compères ont opté pour une habitation plus étriquée dans un style aristo-petit bourgeois sans éclat graphique particulier.

Pourtant, Corman parvient à quelques reprises à créer une véritable atmosphère fantastique. Les décors peints des arrières plans, transforment chaque séquence extérieure en une forme de théâtre fantastique. Mais au fond que manque-t-il pour retrouver la sève, la poésie, la folie baroque des meilleurs Corman ?  La photographie ne possède pas la flamboyance de celle du Masque de la mort rouge, le scénario n’a pas la densité que ceux écrits par Richard Matheson et enfin la présence Ray Milland, par ailleurs plutôt bon,  ne parvient pas à égaler les prestations uniques du génial Vincent Price, comédien en parfaite osmose avec l’univers décadent de Poe.

Passées ces réserves, L’enterré vivant demeure néanmoins un plaisant thriller d’épouvante agrémenté de quelques scènes chocs bien senties, d’une partition musicale envoûtante et angoissante signée Ronald Stein, remplaçant occasionnel de Les Baxter et d’un dernier quart d’heure particulièrement rythmé, rehaussant d’un coup le niveau de l’ensemble.  La séquence de cauchemar est absolument remarquable. L’utilisation de la couleur et des filtres divers (bleus, verts, violets) est parfaitement intégrée aux distorsions de l’image. Avec une économie de moyens et un grand sens de l’efficacité, Corman prouve son immense talent de cinéaste dans cette belle échappée anxiogène et onirique. De même, dans le final morbide, l’enterrement de Ray Millland est un moment particulièrement éprouvant.

A noter aussi la présence de l’excellente Hazel Court, parfaite en épouse un peu trop « idéale » pour être honnête. On retrouve l’actrice britannique aux génériques du Corbeau et du Masque de la mort rouge.

(USA-1962) de Roger Corman avec Ray Milland, Hazel Court, Richard Ney

Editeur: Sidonis. Durée: 78 mn. Format: 2. 35 16/9. Langue: Anglais, Français (Dolby Mono 2.0 ). Sous-titres: Français

Bonus :

– Roger Corman par Bertrand Tavernier & Joe Dante (VOSTF 16/9 12min30 sec environ

– Bande annonce


A propos de Manu

Docteur ès cinéma bis, Manu est un cinévore. Il a tout vu. Sorte d'Alain Petit mais en plus jeune, son savoir encyclopédique parle aux connaisseurs de films méconnus. Il habite près de Montpellier où il peut observer la faune locale : le collectif School’s out, l’éditeur le chat qui fume et l’éditeur Artus Films. Avec son air d’Udo Kier, il n’est pas exclu qu’on le retrouve dans une production de genre.

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