Le chef d’oeuvre de Nagisa Oshima traverse les âges de façon insolente car il est reste toujours aussi dérangeant et avant-gardiste. Pour les hérétiques qui n’auraient pas encore vu ce monument, il raconte l’histoire vraie d’Abe Sada, une jeune japonaise qui a vécu une histoire d’amour si intense qu’elle en est venue à tuer son mari. Quand la police l’a arrêtée, elle avait dans les mains le pénis coupé de son compagnon !
L’empire des sens est un film parfait car il s’appuie sur un scénario fort (la relation amoureuse de Sada et de Kichizo en forme de crescendo), des acteurs crédibles, des décors traditionnels japonais epoustouflants, et surtout des scènes de sexe clairement hardcore. Oshima est un réalisateur génial car il a réussi à créer la symbiose parfaite entre film pornographique et film d’auteur. Peu de films (aucun ?) peuvent se vanter de montrer la sexualité avec autant d’audace. Rappelons que le film a déjà 33 ans !
D’un côté, il s’agit d’un inventaire de tout ce qui fait la beauté du Japon : la cérémonie du thé, les parois en bois et en papier, les bonsaïs, les chants des geishas, les kimonos colorés, les jardins zen, etc. De l’autre côté, le film nous propose des scènes de sexe non simulées plutôt déviantes : la fellation en gros plan (avec effet boule de neige), la consommation de champignons aromatisés à la vulve, la dégustation de sang menstruel, et des jeux sadomasochistes consistant à étrangler l’autre pour éprouver de nouvelles sensations. C’est sans compter la fameuse scène de l’oeuf qui restera dans les annales de l’étrange.
Le support blu-ray est un superbe écrin pour ce film. On y gagne bien sûr en définition et en précision d’image. On pourra observer les imperfections de la peau, le tatouage de scorpion sur le lobe de l’actrice et bien sûr tous les détails anatomiques. Les couleurs des décors et des costumes sont chatoyantes. Seuls quelques plans sont un peu fourmillants et d’autres de nuit sont plus bleus que noirs. Mais étant l’âge du film, le transfert reste exceptionnel.
Le blu-ray inclut également un documentaire sur l’histoire du film, et fait intervenir notamment le directeur de production, Koji Wakamatsu, réalisateur de Quand l’embryon part braconner. On en apprend beaucoup sur la personnalité des auteurs (des gauchistes contestataires !) et des conditions extrêmes de tournage. La censure japonaise était en effet très forte et le tournage fut toléré car le film était considéré comme français (car financé par un producteur français). D’ailleurs, la censure japonaise n’a que peu faibli (on connaît son aversion pour les toisons pubiennes) et le film n’est visible là-bas qu’avec des flous cachant les parties intimes. Le disque contient également un entretien de l’acteur principal, Tatsuya Fuji, qui apporte de nombreuses anecdotes très cocasses.
Egalement dans cette édition, l’on peut accéder à un montage avec des scènes coupées, ces dernières n’apportant rien de fondamental.
Le film est disponible en coffret blu-ray contenant L’empire des sens mais aussi L’empire de la passion, du même réalisateur.