Sorti l’an passé en salles (et récemment en DVD et Blu-Ray chez l’éditeur Wildside), Les proies (El Rey de la Montana en VO), dernier film en date de l’espagnol Gonzalo Lopez-Gallego , réussit partiellement à renouveler l’univers du survival. Semi-réussite ou semi-déception donc, c’est selon.
Il faut dire qu’après le raz-de-marée de titres (souvent brillantissimes, parfois désastreux) qu’a connu le genre dans les années 70 puis 80, les auteurs des années 2000 n’ont plus trop le choix. Innover un minimum ou sombrer instantanément dans l’oubli.
Mais commençons par le pitch (made in dossier de presse, mais on va faire comme si…) : Quim roule dans une région isolée en suivant une route sinueuse. A l’orée d’une forêt, il se perd pour de bon. En essayant de se repérer, il est soudain la cible de tirs de carabine en provenance de la montagne. Alors qu’il tente de fuir, il tombe sur Béa, une jolie jeune femme qui semble perdue et vit apparemment le même cauchemar que lui. Méfiants l’un envers l’autre, ils décident néanmoins d’unir leurs forces pour quitter cette forêt hostile, glaciale et semer leurs poursuivants…
La réussite du film tient en deux points.
Le premier est purement formel : la mise en scène de Lopez-Gallego est de haut niveau, le réalisateur exploite à merveille les paysages dans lesquels il tourne, et l’emprunt aux jeux vidéo style FPS dans la 2e partie du film est, une fois n’est pas coutume, très habilement utilisé. Autant dire que sensoriellement, le spectateur est choyé. Qui plus est les acteurs, guère voire pas connus, s’en sortent excellemment bien. Pour entrer dans un film, c’est un plus, et cela permet même au réalisateur de faire sauter la classique scène d’introduction « pan dans ta gueule », pour mieux nous faire rentrer progressivement dans le récit.
C’est d’ailleurs là que réside le 2e gros atout du film : plutôt que d’aligner les passages obligés (présentation du contexte, exposition des personnages…), on passe d’entrée de jeu en mode immersion, laissant traîner le doute sur les motivations des personnages plutôt que de les enfermer dans des clichés. Les Proies joue le jeu de l’ultra-réalisme, et les personnages du récit ne sont pas des héros, loin de là. Pendant la première heure du film, on ne sait jamais ce qui va bien pouvoir arriver, et on plane dans le brouillard le plus complet.
Sortir de ce brouillard scénaristique est évidemment le passage délicat du film. C’est là que le bât blesse un peu, même si le film ne sombre pas pour autant. Refusant de nous en dire (beaucoup) plus sur Quim et Béa, Lopez-Gallego préfère jouer la carte du pitch tapageur, en révélant soudainement l’identité des tireurs. Dans l’idéal, et c’était sans doute dans l’intention du réalisateur, ce retournement, loin d’être gratuit, devrait jouer le rôle de révélateur, et faire percevoir d’un coup la profondeur sociopolitique du film.
Le problème, c’est qu’on n’est pas vraiment convaincu. Aussi doué soit-il, Lopez-Gallego n’est pas Narciso Serrador (on vous enjoint hardiment, si ce n’est déjà fait, à vous jeter sur son incroyable Révoltés de l’an 2000), et on perçoit mal ce qu’il a réellement de si percutant à nous annoncer. Résultat, au lieu d’élever le statut du film, cette tentative de propos un peu pataude aurait plutôt tendance à plomber l’alchimie subtilement établie.
Encore une fois, on est loin du gros plantage. Loin du tout-venant pullulant sur les écrans, Les Proies innove, et ne laisse pas indifférent. C’est déjà une énorme avancée. De là à crier au chef d’oeuvre, il reste un pas qu’on ne s’aventurera pas à franchir.
Efficace dans un premier temps, LES PROIES dilus tout son potentiel dans sa révélation un peu attendue. Le film nous refait le coup du récent Ils, survival français sans grand éclat.