Une jeune fille, incarnée par l’ex star du porno Ovidie, telle une Alice des temps moderne, traverse le temps et l’espace à travers l’œuvre mystérieuse de son cousin, un certain Michel Gent. Elle hérite de sa maison de campagne, peuplée de souvenirs, de fantômes, de mystères.
Evidemment, cet artiste fictif, loin d’être un fantasme ésotérique, n’est autre que Rollin lui-même. Pendant longtemps le cinéaste a utilisé pour ses gentils films érotiques et ses pornos, le pseudo de Michel Gentil. La référence peut paraître pataude de prime abord. Elle est surtout honnête et frontale. Rollin explore son œuvre, presque émerveillé de redécouvrir un cinéma marqué par les grandes figures du fantastique, du surréalisme, de l’ésotérisme et de l’érotisme. Gaston Leroux disserte avec Louis Feuillade et Murnau, tandis que Georges Franju trinque avec Georges Batailles et René Magritte sous l’œil bienveillant du Marquis de Sade. Une belle brochette de grands artistes qu’a célébré Rollin tout au long de sa vie d’écrivain et de cinéaste.
Jean Rollin ne pouvait rêver plus beau titre pour son dernier (et ultime ?) film, belle invitation à voir, écouter et comprendre le cinéma si singulier de l’auteur de Requiem pour un vampire. Comme un journal intime, rempli de souvenirs et de secrets.
La gestation fut longue et douloureuse. Comme il le dit lui-même dans Moteur coupez : mémoires d’un cinéaste singulier » : « A ce jour, le film qui m’a donné le plus de mal à tourner est, sans hésitation, La nuit des horloges (ex La nuit transfigurée, ex Le dernier film). J’ai failli ne jamais le faire, ne jamais le terminer, ne jamais le sortir. Ce malheureux scénario a connu plus de dix versions. Sans cesse remanié, retouché, raccourci, rallongé, il s’est achevé sur une version simplifié, la plus économique possible, avec un casting qui se révéla d’ailleurs tout à fait satisfaisant bien que décidé à la dernière minute. Je me souviens d’avoir écrit certaines scènes dans la voiture qui m’emmenait sur le plateau… Dans de semblables conditions, comment respecter l’idée de départ, le sens du film ? ». Ces propos reflètent l’état d’esprit dans lequel a été tourné La nuit des horloges, oeuvre imparfaite, inaboutie mais pétrie de belles idées, de fulgurances poétiques, d’évocations intimes.
Eternel maudit du septième, victime d’un effroyable malentendu commis par l’imposture critique de quelques imbéciles mêmes pas heureux, Jean Rollin revient de tout, tel un Don Quichotte des temps modernes. Des insultes, de sa maladie, du mépris affiché par ses pairs, de sa réputation calamiteuse dans les milieux officiels, pour nous livrer, que dis-je, nous offrir, un cadeau du ciel, un film-somme, testamentaire, rassemblant toutes les obsessions, les thèmes, les inspirations qui ont nourri cet auteur libertaire depuis des décennies.
La nuit des horloges est avant tout un magnifique geste d’amour pour ses fans. Plus affranchi que jamais de tout code et de toute règle contraignante, Jean Rollin, serein et presque sûr de son talent (réel), n’a pas cherché à inscrire son nouveau long métrage dans la mouvance actuelle du cinéma de genre, en construisant un scénario bien calibré. Au contraire, il s’est laissé aller à la rêverie, aux songes dans une sorte d’autofiction fantasmée. Les difficultés à la préparation ont été paradoxalement bénéfiques à la gestation du métrage.
Anachronique et sincère, cette immersion au cœur de la carrière atypique du cinéaste, peut se lire comme une invitation à (re)découvrir des lieus insolites, des visages touchants, des corps nus sublimés par l’environnement. Composé de larges extraits des meilleurs film de Rollin (Requiem pour un vampire, Le frisson des vampires, La vampire nue), La nuit des horloges stimule le regard par la beauté du cadre, les apparitions émouvantes des comédiens fétiches du cinéaste (Nathalie Perrey, Jean-Loup Philippe entre autres).
Bibelots, ouvrages, peintures, silhouettes fantomatiques, références littéraires et citations peuplent ce drôle d’objet, onirique et fétichiste, sorte de visite surréaliste dans le petit musée imaginaire du professeur Rollin.
Mais la grande question que vous vous posez tous est bien de savoir si La nuit des horloges est un bon film, si ce film va enfin remettre les pendules à l’heure quant au statut si inconfortable de Monsieur Rollin. En fin de compte, peu importe ! Selon des critères critiques académiques, cet essai contemplatif n’est pas une réussite majeure. De plus, en dehors du cercle limité des fans, il ne risque pas de conquérir un public de novices. La nuit des horloges s’adresse avant tout aux amoureux transit du cinéma de Rollin, qui ressasse avec une belle obstination ses éternelles obsessions.
DVD disponible en bonus de « « Moteur-Coupez ! Mémoires d’un cinéaste singulier ». Edition Edite. Disponible à la librairie « Hors circuits »
Captures d’écran : mooninthegutter.blogspot.com
Mille mercis a vous Mr Rollin ,vous qui avez marque avec force et conviction un cinema bis francais si exsangue et qui avait encore la flamme pour refaire un film a l ancienne tellement plus riche de charmes que tous ces gros fims boursouffles actuels sans aucune ame…
Et la magnifique Ovidie entre merveilleusement bien dans votre univers et serai une superbe egerie pour Jean Rollin comme Linda Romay fut celle de Jess Franco.
Merci d exister.
Claude.