Synopsis
Jeanne et Paul partent à la recherche de leur fils, disparu lors de l’événement tragique du Tsunami. Croyant l’apercevoir sur une vidéo pirate lors d’une soirée de charité, Jeanne est persuadée que son fils a survécu et a été enlevé. Plus sceptique, Paul accepte de suivre Jeanne dans une quête désespérée et sans retour. Ils sont accompagnés de guides peu fiables.
Critique
Echec cuisant en salles dû à une distribution hasardeuse, Vinyan a été victime d’un malentendu, le privant ainsi d’un large panel de spectateurs potentiels. Vendu à la fois comme un film fantastique et un essai avant-gardiste, le second long métrage du belge Fabrice Du Welz n’appartient pas vraiment à ces deux catégories. Ce problème de communication a profondément nuit à une œuvre ne pouvant, dès lors, même plus miser sur son casting bancable (Rufus Sewell et surtout Emmanuel Béart). Dommage, car Vinyan, malgré toutes ses imperfections, méritent beaucoup d’attention.
Vinyan n’est pas un objet abscons déclinant tout le bric à brac du petit illustré expérimental. Au contraire, cette plongée au cœur des ténèbres de la forêt birmane part d’un script dépouillé, prenant sa source dans un contexte réaliste.
La linéarité touchante du sujet captive d’emblée même si les personnages manquent de chair, d’épaisseur. Ils n’existent pas réellement. Au mieux ce sont des corps désaxés déambulant dans une jungle peuplée de gueules cassées, d’autochtones. La plastique et l’esthétique intéressent davantage le réalisateur que la dimension humaine. Et pourtant le sujet est là : décrire la déliquescence mentale d’un couple en perdition, au bord de la rupture, en usant d’une grammaire purement cinématographique, s’interdisant de donner du sens à des dialogues très elliptiques. Tout passe par le magma sonore, la texture de l’image, l’utilisation du plan séquence, la gestion de l’espace et du temps. La forme et le fond. Difficile équation que ne parvient pas à résoudre complètement son réalisateur, oubliant d’insuffler de l’émotion, de la respiration. Dans ce fatras de boue, d’humidité, de sueur, de sang, on souffre rarement avec les personnages. Leur sort nous fascine sans que l’on soit touché par leur destin funeste.
Mais, le travail plastique impressionne. Vinyan développe un espace visuel et sonore saisissant, mélange de filmage frontal, hérité du cinoche américain des années 70 et d’un ancrage esthétique dans la lignée des recherches formelles de Philippe Grandrieux.
La saturation sonore d’une musique avant-gardiste se mêle à des mélopées plus abordables peuplées de riffs de guitares, écho lointain au rock progressif. Une urgence filmique, caméra à l’épaule oblige et gros grain de la pellicule, se voit progressivement contaminée par un sens extraordinaire de la composition du cadre et une lumière virant au trip mystique. Au fur et à mesure que le récit progresse, les personnages s’enlisent dans un espace mental irréversible.
Le réalisme brut des premières séquences urbaines laisse progressivement place à une atmosphère onirique à la lisière du fantastique. Le monde réel disparaît lentement et glisse vers un terrain de jeu cruel, où se confondent le fantasme et le surnaturel.
La forêt tropicale, tel un organisme vivant, étouffe et absorbe l’âme du couple qui sombre dans une sorte de folie sans retour. Cette odyssée désespérée sur un deuil impossible ne peut avoir qu’une issue. Je vous laisse deviner laquelle !
Vinyan parvient par moment à transcender un sujet sordide en un gigantesque film cerveau où la jungle, étouffante et inquiétante, représente l’espace mentale de la mère. L’équation est simple : l’effondrement psychique et physique de Jeanne est proportionnelle à la montée de l’angoisse d’un décor organique de plus en plus asphyxiant, monstrueux : pluie incessante, végétation suintant le malaise, ciel obscurci. Le cœur des ténèbres est proche.
Vinyan vire parfois au pensum métaphysique un peu plombant. La toute puissance de la mère, qui par l’intermédiaire des enfants, martyrs d’un peuple et d’une civilisation, va se venger du mâle, et en l’occurrence du père, n’est pas toujours traitée avec finesse. L’allégorie, alléchante sur le papier, est appuyée. On comprend que ce décor symbolise la féminité, une féminité qui va se laver des atrocités commises sur les plus faibles.
Un aspect moralisateur handicape parfois ce film imparfait d’une beauté visuelle incandescente, rappelant le cinéma halluciné de Werner Herzog.
L’arrivée des enfants, tels des silhouettes venues d’outre-tombe, reste un grand moment de cinéma. Leur regard triste et vide, leur absence de lueur d’humanité, leur corps fragile et imprévisible, procurent une sensation d’effroi que l’on avait rarement éprouvé depuis Les révoltés de l’an 2000, référence évidente bien que souvent écrasante. Les dernières minutes, insoutenables et d’une beauté picturale sidérante, plongent le spectateur dans un cauchemar définitif, hommage foudroyant à Chromosome 3, où, rappelez-vous, une mère mettait au monde des portées d’enfants tueurs.
Ce côté convulsif et viscéral n’est parfois qu’effleuré. Fabrice Du Welz s’abrite un peu trop derrière une virtuosité écrasante, un goût pour les cadrages alambiqués, une distanciation rendant le film abstrait et lointain.
Cette approche auteurisante, pour ne pas dire autiste, est la limite de ce bel objet, mélodrame introspectif, parfois désincarné mais d’une incontestable puissance visuelle et narrative. On attend le troisième long métrage du réalisateur avec impatience.
(2008 – FRA/BEL/GB) de Fabrice Du Welz avec Emmanuelle Béart, Rufus Sewell, Julie Dreyfus
Edition Wild Side. Sortie le 2 avril 2009. Format : 2.35 16/9. Durée : 96 minutes. Langues : Anglais / Français. Sous-titres : Français
Bonus : interview croisée de Fabrice du Welz et Benoit Debie. Making off. Une galerie photo. Un carnet de dessins du film.
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[starrater]
La scène gore finale m’a énormément déçu. Je l’ai vraiment ressenti comme la scène calibrée pour le public mad movies, mais qui n’a rien à faire là. On a pas besoin de ça pour comprendre l’issue de cette histoire, de son propos. A ce moment là, la mise en scène change pour devenir niaise (la caméra prend l’ascenseur bien sûr, direction les nuages), l’acteur ne joue plus, et moi ça me rappelle la fin de « Calvaire » du même director où la scène de pétage de plomb dans la maison subissait le même sort. Caméra qui s’envole « façon Taxi Driver », au lieu de rester à auteur d’homme et d’affronter la sauvagerie sans se cacher. La fin de « Vinyan », c’est la confirmation que Du Welz ne veut pas aller au bout d’une logique de mise en scène, il veut pondre sa « surprise finale » comme un gamin, vraiment c’est gavant. Pourtant j’ai adoré tout le reste du film. Mais une fin qui me pose problème me tue tout.
Qu’est-ce qu’ils ont tous ces cinéastes à louper leurs fins ? Même chose dans « Eden Log »… oh la belle fin pourrie qui tue tout ce qu’on a vu avant…
Frustration.
Quand on a la chance de faire jouer des acteurs comme Béart et Sewell dans le même film (!!!), et dans un film pareil, c’est indigne de finir l’aventure ainsi. Il va falloir réfléchir à « comment finir un film sans tout détruire » messieurs. J’insiste un peu là-dessus car ça me prend vraiment le chou et je ne vois personne tilter, à part deux ou trois potes qui se taisent beaucoup trop ! ^^
SPOILER.
Pour moi le film est le voyage mental d’une mère qui ne parvient pas à faire son deuil. Elle emmène quasiment de force son compagnon mais c’est toujours lui qui doute et qui l’empêche de vivre son fantasme (le garçon est vivant et elle va le retrouver). D’un point de vue extérieur, l’homme est le seul qui puisse la sauver de son délire.
Et son délire est symbolisé par les enfants. Il est donc normal que ceux-ci neutralisent l’homme quand celui-ci devient vraiment un obstacle.
Mais la mort du mari n’est pas la fin du film. Tu oublies l’image finale : la femme et les enfants qui sont en adoration devant elle. Il ne reste plus que la mère et son délire. On peut donc considérer qu’elle a définitivement sombré dans la folie.
Pour moi, tout reste donc assez logique. Ce qu’on peut reprocher à Du Welz c’est son goût pour le gore. La scène de la mort de l’homme est en effet un peu « grand guignol » et pas vraiment en accord avec le reste du film bien moins explicite et plus atmosphérique. Je lui pardonne car tout comme lui j’aime les éruptions de violence barbare 🙂
Je n’ai pas zappé la fin avec la belle Emmanuelle et les enfants qui la touchent 😉 Mais la mort de l’homme, comme tu dis, est carrément « grand guignol et pas en accord avec le reste ». Ce genre d’anomalie ne dérange pas vraiment les gens, mais moi ça me tue le film. Et en dehors de ça, quel film! ça m’a empêché de l’acheter on va dire.
Mais si cette mort avait vraiment été sauvage et barbare, je pense que ça aurait pu le faire. Il aurait fallut donner dans une vraie sauvagerie qui fait peur.