Jess Franco n’a jamais caché son dédain envers les slashers, considérant les Vendredi 13 et consorts comme des produits idiots sans intérêt. Que fait-il derrière un projet comme Lune sanglante qui semble s’apparenter à un pur psycho-killer ?
Un mystérieux tueur assassine des étudiantes. Evidemment, on soupçonne Miguel, un personnage libidineux et difforme qui sort d’un institut psychiatrique après violé et tué une jeune femme. Il est protégé par sa sœur avec qui il entretient des rapports limites incestueux. On retrouve par ailleurs dans ces instants fratricides la patte inimitable de Franco, son utilisation personnelle du décor, son sens du cadrage, son goût pour les détails insolites et son sens innée de la scénographie filmée comme des spectacles de cabaret. Pour le reste, l’auteur de La Comtesse noire doit se contenter d’un script linéaire se situant dans un milieu très ordinaire, à mille lieu des univers fantasmatiques et surréalistes de ses grands films.
Une chose est claire, Jess Franco s’amuse avec les codes les plus éculés du genre, poussant la débilité de certaines situations, vues cent fois ailleurs, jusqu’à leur point de rupture. Prendre Lune sanglante au premier degré témoigne de la méconnaissance de l’œuvre déjantée et protéiforme du trublion espagnol qui n’a jamais cessé d’expérimenter, chercher, creuser un sillon dans les entrailles du septième art. Franco dissèque le cadavre du cinéma, passe par les effets les plus éculés et cheap pour retrouver une forme de beauté, de singularité. En apparence, Lune sanglante semble éloigné des recherches formelles du cinéaste et surtout de ses thématiques (le vampirisme, l’érotisme saphique). Le film singe avec malice un style US formaté pour mieux le détourner. Sans s’engager dans la voix périlleuse de la parodie, ce petit film d’horreur prend un malin plaisir à malmener le spectateur en se moquant de tous les clichés d’un genre assez pauvre. La longue et laborieuse séquence où Angela, l’héroïne, rentre chez elle, pour ressortir plus tard après tout une série de (fausses) frayeurs frisent le foutage de gueule le plus jouissif qui soit. Conscient qu’il ne peut manipuler à sa guise le spectateur, Jess Franco accepte (enfin pour certains) les règles élémentaire du slasher dans la deuxième partie en livrant quelques scènes gores particulièrement originales. La fameuse scène de décapitation à la scie circulaire vaut le détour, non pas pour son côté crapoteux mais pour son découpage filmique, qui montre à quel point le señor Franco était doué lorsqu’il en avait envie, ou du moins lorsqu’il jugeait nécessaire de chiader ses plans.
Réalisé avec soin, Lune sanglante est un exercice de style goguenard, une œuvre curieuse pétri de second degré et étrangement dénuée d’érotisme. Jess Franco devait penser que Vendredi 13 et Halloween ne peuvent, par essence, tendre à l’érotisme de par leur idéologie puritaine. Les filles, froides et distances, incarnent les archétypes des étudiantes américaines, jolies poupées asexuées et sans saveurs. Elles ne possèdent aucune sensualité. Elles ne sont que des silhouettes qui passent et qui meurt sur un écran. On est loin, très loin des beautés latines tels que Soledad Miranda ou Linda Romay. L’absurdité des dialogues et de certaines situations ne font que renforcer l’ironie mordante de ce film d’horreur plus intelligent qu’il n’y parait au premier abord.
(ALL/ESP-1980) de Jess Franco avec Olivia Pascal, Christoph Moosbrugger, Alexander Weachter, Nadaja Gerganoff, Jesus Franco
DVD zone2 (UK). Editeur : Severin. Format image : 1.77 16/9. Durée : 82 mn
Langue : Anglais. Bonus : Featurette, Bande annonce