Entretien avec Viktor Alexis
L’eau, et plus généralement la nature, sont très présentes dans tes courts. Comment expliques-tu cela ?
Je viens de passer deux ans à Paris entouré de béton, de bruit de moteurs, d’air sale, bref, d’un univers qui s’oppose à celui qui me berce dans mes courts métrages en général. Et je n’étais tout simplement pas chez moi. Il y a des sensations qui disparaissent quand tu quittes la nature. L’absence d’horizon par exemple est une chose que j’ai mal vécu, ainsi que l’invisibilité des étoiles, celles-ci étant cachées par les nuages de gazes polluants qui plâtrent le ciel. Et quand je me souviens des mini chutes d’eau artificielles des parcs… Tu actionnes un bouton « arrêt » et le flux de l’eau s’arrête… Sans commentaire.
Il y a un magnétisme présent dans la nature que tu n’as pas en ville. Il y a un air, des odeurs, des couleurs et des sons que tu n’as pas en ville. Si ton corps a besoin de tout cela, il faut lui obéir.
Autre obsession : les courbes féminines. Quelle analyse fais-tu de cela ?
A six ans, je suis tombé amoureux de Jessica Rabbit. J’étais tellement amoureux que je priais dieu dans mon lit pour qu’il me l’apporte… Notre idéal physique naît souvent vers l’âge de six ou sept ans, je suis donc tombé dans le piège. Si tu regardes « Les dents de la mer » à sept ans, t’as des chances d’avoir peur des requins à vie. Si tu tombes amoureux de Jessica à cet âge, ce n’est pas simple à gérer non plus !
Comment « recrutes-tu » tes muses ?
Le plus souvent je demande à des inconnues si je peux leur parler pendant quelques minutes, il m’arrive aussi de fixer des annonces dans divers lieux, de donner des feuilles A4 qui présentent un projet avec mon contact. A vingt ans je me suis lancé dans ce genre de démarches. Aller vers les gens (femmes et hommes) pour leur parler est un acte qui demande rigueur, décontraction et honnêteté. Il faut se donner le temps qu’il faut pour saisir l’essentiel : ne te prends pas la tête, déballe ton cœur, ceux qui sont en phase avec toi t’écouteront. Attention, cela ne garantit rien, car tant que les rushs que tu veux ne sont pas tournés, il faut que tu t’accroches pour mener la barque.
Peux-tu nous décrire ton parcours ?
Je me souviens avoir écrit mon premier scénario à quatorze ans lors d’un défi que l’on s’était lancé avec un ami. On s’était mis en tête de faire un film scénarisé et travaillé en une seule journée. Nous n’avons pas dépassé le stade du script. Au lycée j’ai été mal orienté et ma scolarité ne m’intéressait pas. J’ai donc beaucoup séché les cours, bénéficié des connaissances d’un ami en informatique, Jean-Baptiste Bongrand (faiseur des effets spéciaux numériques de Reign of Sick), et écrit beaucoup de choses. Mon imaginaire s’est surtout développé à 17 ans après un séjour à l’hôpital. Les souffrances causées par mon problème de santé à l’époque m’ont écrasé, puis m’ont renforcé. La douleur physique est mon vrai point de départ dans l’écriture. Elle a changé quelque chose au fond de moi. La nature profonde de ton être peut prendre un grand virage quand tu surmontes une grosse épreuve.
A 18 ans, on m’a offert un caméscope et je me suis mis à faire des petits films. J’ai très vite pris conscience qu’une vingtaine de courts au moins étaient nécessaire pour me former comme je le voulais. Il m’en a fallut quarante, dont deux longs. J’ai eu un parcours en auto-production de cinq ans avant de me dire « ça y est, j’ai fait ce que je voulais ». Aujourd’hui, avec deux amis réalisateurs, Christian Dussoul et Jean David Izambard, nous avons des projets en commun qui peuvent nous faire évoluer, car présentables à des producteurs ou à divers organismes d’aide à la réalisation.
De quel matériel disposes-tu pour boucler tes films ?
Me taire sur la manière. C’est très important pour moi.
La plupart de tes courts sont assez lents et poétiques. Comment expliquer que Reign of Sick soit beaucoup plus orienté bourrin et baston ?
L’envie de naviguer entre des créations douces et des créations musclées ne s’explique pas vraiment. Mes goûts entant que spectateur sont aussi très écartelés. Je vénère Mad Max 2 de George Miller autant que Stalker d’Andrei Tarkovski. Pourtant, ces deux films sont très différents. Nous vivons des phases qui ne se suivent pas forcément, des moments qui s’équilibrent mal, c’est sans doute la raison pour laquelle nous pouvons explorer des univers contrastés dans tout ce qui peut être qualifié d’artistique.
D’où t’est venue l’idée de Reign of Sick ?
Au départ, je voulais mettre en scène un film sans scénario, inspiré de Possession d’Andrzej Zulawski, où il était question d’un huit-clos où un monstre tentaculaire s’occupe de deux jeunes femmes (une façon de dire qu’il les baise) attachées à des bras bioniques qui sortent des murs. Ensuite, j’ai pensé qu’inclure cette idée de base dans un projet de film d’action pouvait se faire. J’ai remplacé le monstre tentaculaire par un guerrier masqué qui vomit tout le temps, j’ai zappé les bras bioniques et j’ai écrit un scénario. La machine s’est lancée. Reign of Sick vient de divers horizons. Tetsuo de Shinya Tsukamoto est une grosse référence pour moi, mais il y a aussi The Blade de Tsui Hark pour la mise en scène, Avalon de Mamoru Oshii pour le contexte. J’ai mis un an à faire ce film, de l’écriture au montage du générique. Je me souviens de mes objectifs principaux : visiter le domaine du pouvoir, de la domination, et mettre en scène un combat ultra brutal de 25 minutes. C’est un film dédié aux âmes attirées par le virtuel, le cul et la brutalité à l’écran.
Pour qui fais-tu des films avant tout, toi ou le public ?
Dans un premier temps, je fais des films pour alimenter une partie de moi qui a faim. Exemple : mon deuxième long métrage, Starvation, est une expérience de huit mois mise en œuvre pour combler un vide que j’ai ressenti dans la période où j’ai découvert Tarkovski. Il m’est très difficile de parler de cet état. Une sphère méditative, attentiste, tristement brouillée par l’abandon des formalités. J’ai beaucoup de mal à retrouver « l’état Tarkovski » dans ce que je vois au cinéma ou en DVD. Je me suis donc mis au boulot pour retrouver cet état. J’ai eu ce que je voulais et je respire. Depuis quelques semaines, je montre le film et je suis très étonné de la réaction générale. Il semblerait qu’il ne soit pas hermétique. Quand je fais un film, je ne le fais pas que pour moi, mais mon objectif premier est qu’il puisse me plaire, combler mon manque. Si j’aime ce que je fais, je le montre, je le vends, je ne le garde pas pour moi. Constater qu’il y a un public qui aime mon film est une vraie satisfaction.
Est-ce que tes films sont distribués ?
Reign of Sick va être distribué, mais je ne sais pas encore quand. Je viens de finir Starvation, je vais commencer à le présenter.
N’importe qui peut acheter mes courts ou longs métrages. Pour l’instant il suffit de me faire une commande par mail (viktor.alexis@hotmail.fr). Cette info est présente dans le site web de « Reign of Sick » : http://reignofsick.free.fr.
1 long métrage pour 10 €. 12 courts métrages pour 10 €. L’édition DVD + CD du score de « Reign of Sick » pour 20 €. Pour 30 € vous avez 2 longs métrages, 1 moyen métrage et 12 courts.
Il y a aussi quelques courts et bande-annonces disponibles gratuitement sur dailymotion (pseudo : viktoralexis).
wow…Je conseil vivement a ceux qui ne connaissent pas de decouvrir ce real…Au fond de chaque film sommeil une part de nous…On finit forcement par se reconnaitre dans ses oeuvres,car c’est a la fois un real integre et un real qui assume ses choix….Regarder et se reconnaitre c’est assumer la part caché de nous meme….