Sec comme un coup de trique, Prime Cut s’inscrit dans la lignée des polars violents des années 70. Le récit est très simple et outre son intrigue opposant deux gangsters, l’intérêt du film vient de plusieurs bizarreries détaillée plus bas.
Nick Devlin, un tueur à gage de Chicago, est chargé de récupérer de l’argent chez Mary Ann, patron d’une chaine d’abattoirs. Devlin précède plusieurs hommes de main qui ont échoué dans la mission. Le dernier a été renvoyé à l’expéditeur sous forme de saucisses. Le combat va être sans pitié. Cette fois-ci, Devlin embauche une équipe de jeunes hommes pour faire payer Mary Ann, ou l’abattre si nécessaire.
Le noyau du film s’apparente à une intrigue de western, un duel entre deux hommes, qui se cherchent de plus en plus violemment, jusqu’à vraiment se trouver. A plusieurs reprises, Michael Ritchie opposent ville et campagne, tout comme Nick (voyou des villes) s’oppose à Mary Ann (voyou des champs). Alors que ce dernier se repaît d’une plâtrée de tripes, son alter égo citadin dîne dans un restaurant à la française et commande un « consommé » et une « vichyssoise » (en français dans la VO). Dans l’autre sens, Mary Ann revendique sa terre car il y est depuis toujours et qu’il connaît les traditions de la région. La ville est aussi critiquée car Nick et sa bande ne communiquent presque jamais. Ils ont l’air de corps sans âme dans leur voiture qui file vers l’abattoir. L »esprit de communauté et de solidarité, propre à la campagne, a ici disparu.
Michael Ritchie dresse un portrait effrayant de l’esprit redneck du Kansas, notamment dans la scène de « foire ». Si l’on y trouve des manèges pour enfants et la fanfare du coin, des jeux plus stupides sont aussi organisés (manger une tarte sans les mains le plus vite possible) et personne n’est choqué de voir des hommes tirer sur d’autres à la carabine. On n’est finalement pas si loin de Massacre à la tronçonneuse et de ses dégénérés, si ce n’est que Michael Ritchie traite ici son sujet sans exagération ni jugement, et mélange images réelles (la foire a l’air authentique) avec sa fiction.
A la foire aux bestiaux, succède la foire aux jeunes femmes. Mary Ann récupère des filles paumées, en provenance d’un orphelinat. Il les drogue puis les met à disposition, nues dans des box avec de la paille, afin de les vendre ! C’est là que Nick récupère Poppy, une belle et naïve jeune fille. Il lui achète de jolis vêtements et l’emmène dans un restaurant luxueux mais en parfait gentleman, Nick gardera une relation platonique avec elle.
Située dans un milieu d’agriculture intensive, l’intrigue propose une belle course-poursuite à travers champs, donnant l’occasion au réalisateur de boucler quelques plans magnifiques sur les immenses étendues de blé ou de tournesols. D’une poursuite à pieds quelque peu contemplative, on passe alors à une scène d’action quand Nick et Poppy sont poursuivis par une… moissonneuse ! L’issue du combat est inattendue et propose un duel face-à-face entre la moissonneuse-tueuse et une voiture !
Dans ce polar sans concession, on trouve des moments d’humour surréaliste. On pourra citer la baston « pour de rire » entre les deux frères, qui laisse penser qu’ils sont définitivement cinglés. Et surtout il y a cette tentative d’assassinat à la saucisse, arrivant au climax du film, dernier moment du film où l’on s’attendait à la présence de charcuterie.
Le film est un festival de gueules. Lee Marvin en premier lieu, toujours impérial, en roc inébranlable, se contentant de peu de mots pour s’exprimer. Gene Hackman, jeune, fou et violent. Et Sissy Spacek dont la candeur ne peut qu’émouvoir. Le dvd contient un intéressant entretien avec Frédéric Schoendorffer et Jean-Pierre Dionnet qui discutent du film. Le premier retrace l’historique et la carrière atypique du réalisateur et le second donne son point de vue sur les singularités du film. Ils mentionnent également que pour les acteurs principaux, ce film vient à un moment-clé de leur carrière. Un peu avant ou un peu après, on les retrouve chacun de leur côté à l’affiche d’un chef-d’oeuvre.
Le film est disponible en dvd uniquement, remasterisé chez Carlotta. Dommage qu’il n’y ait pas de blu-ray mais la qualité est au rendez-vous. Un bien belle et curieuse pépite à découvrir.