Deuxième partie : Blackaria
Avais-tu déjà travaillé sur un giallo avant de rencontrer François Gaillard et Christophe Robin ?
Non, pas du tout. Alors, nous nous sommes rencontrés grâce à Guillaume Beylard (le réalisateur d’Ossessione). Il m’avait contacté en 2007 pour faire son court-métrage qu’il tournait à Montpellier et c’est là que j’ai rencontré toute l’équipe. Depuis, j’ai travaillé sur quasiment tous leurs projets.
À l’origine, Blackaria était un segment d’une anthologie, un moyen-métrage, je crois ?
C’était un sketch pour un film a sketchs. Sur les trois du film, c’était le dernier.
Il paraitrait que c’est toi qui leur a conseillé d’en faire un long-métrage ?
Je plaide coupable. En fait, Blackaria arrivait déjà à plus de cinquante minutes et il n’était pas fini. Comme je trouvais que c’était le meilleur boulot de François et Christophe, je leur ai dis : « Essayez de rajouter une ou deux séquences et vous arriverez à 1h15 ! ». Parce que là, le film avait vraiment une durée bâtarde et je trouvais ça dommage. Le scénario a un tout petit peu changé. Ils ont rajouté le double meurtre des filles dans la ruelle. C’était très drôle à tourner. J’adore cette séquence surréaliste.
À propos de surréalisme et de meurtres dans le giallo, la couleur du sang était très particulière à l’époque, pas du tout réaliste, alors que c’est un aspect que l’on recherche actuellement dans les SFX. Le parti-pris était d’être surréaliste dans les effets ?
Alors, pour Blackaria, le parti-pris était d’être respectueux du giallo et de rendre chaque impact douloureux. C’est pour cela que j’ai fabriqué pas mal de morceaux de peau en silicone destinés a être filmés en très gros plan, pour les gros plan de rasoir taillant la chair et pour le meurtre dans la salle de bain. Tout y est surréaliste : la couleur du sang rouge vif exagéré à la Suspiria, le geyser de sang qui jaillit de la pointe du couteau. Il s’agissant d’évoquer l’acte sexuel de façon évidente.
Tu t’es inspiré d’un maquilleur en particulier ?
Gianetto de Rossi.
Pour son travail sur Haute Tension d’Alexandre Aja en particulier ?
… Qui est génial. Plutôt de son travail sur les films de Lucio Fulci. Le parti-pris était de faire un maximum d’effets sur les acteurs, devant la caméra. Dans Blackaria, il y a deux gros effets très chocs : la scène de l’œil dans l’ascenseur et le visage de la fille qui se prend un coup de chaine.
Difficile de ne pas penser à l’ascenseur de Pulsions de Brian de Palma.
Pour l’œil, c’était plutôt L’Eventreur de New York et concernant la chaine, L’Au-delà.
Une référence qui saute aux yeux, si j’ose dire… Pour les effets sur L’Eventreur de New York, c’est Franco Di Girolamo qui s’en est occupé, un vieux routier que tu dois connaître.
Oui. Déjà à l’œuvre sur La Longue Nuit de l’exorcisme.
Il y a d’ailleurs Florinda Balkan (qui joue aussi dans Le venin de la peur) battue à coup de chaines dans ce Fulci.
C’est dans le même esprit, ça reste très artisanal mais j’aime bien ce rendu très brut. C’est sûr que ce n’est pas du tout le genre de rendu que les réalisateurs veulent la plupart du temps mais il me plait bien et j’apprécie de travailler dans cet état d’esprit. Au final, ça reste simple a exécuter comme effets mais ils fonctionnent à fond sur le public. Après, il y a aussi tout le travail sur le son, il y a le montage de François, la musique de Double Dragon… C’est un tout.
Il y a un moment de cela, nous discutions tous les deux des effets spéciaux de maquillage et tu décrivais combien la réalisation pouvait les rendre ridicules ou les rehausser, donc une réalisation « opératique » ne peut que les rendre plus efficaces encore.
Oh que oui ! Et ça se démontre plus que jamais dans Blackaria, d’autant plus que le film n’a rien couté. Son budget est anémique. À peine 2500 euros, je crois.
C’est même moins qu’anémique ! C’est le budget d’un court-métrage.
Exactement. Donc pour le coup, pas de chichis. Il fallait être efficace.
Tu disposais d’un budget élevé à combien pour ta partie ? Je suppose que tu n’avais pas de temps aussi ?
Je ne sais même plus… Une misère… Pour la préparation, ça a pris deux jours pour tout fabriquer. À l’époque, je travaillais sur plusieurs autres projets et je n’avais hélas que très peu de temps à ma disposition.
Au final, es-tu content du rendu de tes effets ? Pense-tu que tu aurais pu améliorer encore des détails ou tout te semble satisfaisant ?
Je me souviens avoir produit le maquillage des yeux arrachés au début en à peine deux heures. C’était vraiment la course mais finalement je suis satisfait de l’atmosphère générale. Je trouve que ce sont des effets rustiques et artisanaux qui sont raccords avec l’esprit du film. Bon, je ne peux pas avoir un retour 100% objectif sur mon propre boulot mais j’aime la scène de l’œil.
Excellente ITW, comme à chaque fois.