Loin des salons cosy d’hôtels trois étoiles qui logent les prestigieux invités des grosses machines festivalières, la manifestation de Puteaux se veut plus modeste et propose un retour aux sources : la découverte de talents méconnus. C’était donc une occasion unique de voir des courts-métrages, un format encore trop peu mis en avant, même si avec le net, viméo et la hachedé, on peut commencer à voir des films dans des conditions acceptables. Il reste encore à faire le tri parmi les millions de vidéos. Par définition, le court-métrage oblige à être concis, efficace et inventif.
Si le festival est encore petit, il a tout de même réuni des invités de marque pour sa première édition. On pouvait notamment rencontrer Laurent Melki, célèbre dessinateur d’affiches et de jaquettes VHS, qui fit le bonheur des cinéphiles fréquentant les vidéoclubs des années 80. Creepshow et Freddy, c’est lui ! Le reste du jury se composait de : Elise Larnicol, Thierry Harcourt, Benjamin Louet et Hervé Thébault.
Le grand gagnant du festival est l’accordeur d’Olivier Treiner, qui remporte le prix du public et le prix du scénario. Filmé avec soin, interprété avec brio, impeccablement photographié, l’accordeur est un peu trop propre à mon goût. Le film donne néanmoins tout ce que l’on attend d’un court-métrage. L’histoire est originale : après avoir échoué à un prestigieux concours, un pianiste se reconvertit en accordeur. Il se fait passer pour aveugle afin de s’immiscer dans la vie privée des gens, jusqu’au jour où il tombe sur situation inédite… La chute est originale et inattendue.
Le coup de coeur de l’association organisatrice fut remis à Clonk de Bertrand Lenclos. Ce sera aussi mon petit préféré. Film tant halieutique que philosophique, à la fois critique du petit monde du cinéma fauché, c’est aussi un proche parent de Cannibal Holocaust. Un réalisateur convainc quelques-unes de ses connaissances de se lancer dans l’aventure d’un court-métrage (belle mise en abyme pour commencer). L’histoire du film dans le film est celle d’un pêcheur qui tente d’attirer le silure, poisson peu esthétique à l’horrible bouche béante. Le « clonk » n’est autre qu’une technique de pêche adaptée au silure. Mais le pêcheur tombe à l’eau, emporté par sa proie et se fait recueillir par trois nymphes.
Si le début du tournage se passe bien, l’ensemble de l’équipe (parmi laquelle figure Jackie Berroyer, dans son propre rôle) voit bien vite les inconvénients d’un projet amateur. Pire encore, le réalisateur se révèle tyrannique, voire violent, et ses acteurs finissent par devenir ses souffre-douleurs jusqu’à un point que l’on n’imagine même pas. Clonk est très malin car il se fait lui-même passer pour un film amateur avec ses plans tournés caméra à l’épaule et son image extrêmement granuleuse. Mais l’enchaînement des événements est parfaitement maîtrisée et l’on finit par glisser vers un bon gros délire qui ne semble pas connaître de limite. Cette liberté créatrice est enthousiasmante, d’autant que les dialogues sont drôles et bien écrits. Le film a son site officiel : http://clonklefilm.blogspot.com
Le prix spécial pour la technique a été décerné à l’espagnol Las Horas muertas d’Haritz Zubillaga dont j’avais déjà dit beaucoup de bien et qui est visible sur le net (sous-titré anglais) :
Le prix des écoles de cinéma va à La Menace vient de l’espace de Pierre-Axel Vuillaume-Prézeau – École Cinécréatis de Nantes. Le court de 19 mn, parodie de film de SF des années 50, est visible en ligne :
Un mention spéciale du jury a été donné à Danny Boy de Marek Skrobecki (Suisse-Pologne).
Enfin, le prix du jury a été décerné à Conflit de Pierre Teulière. Au départ, le film constitue un bel exercice de style. Sous forme d’un seul plan séquence, on y voit la vie quotidienne et répétitive d’un homme. Il passe de sa chambre au métro par une seule porte, puis il passe directement à l’usine dans laquelle il travaille, avant d’arriver instantanément à un bar où il prend un verre. Il fait quelques pas et se retrouve à nouveau dans sa chambre, regarde la télé puis va se coucher. Chaque jour la même scène se répète. Visuellement, le film est très réussi et multiplie des effets spéciaux inventifs et réussis que ne renierait par un Michel Gondry. Alors que l’on croit à une simple critique du « métro-boulot-dodo », les différents univers (usine, bar, métro, chambre) commencent à se mélanger et le film se dirige alors du côté du cauchemar lynchien. Les visions deviennent très inquiétantes, tant et si bien que la chute paraît un peu faible au final. Le film offre une belle plongée dans un esprit torturé, qui rappelle avec talent les premières oeuvres malades de Lynch dont fait partie le fameux Eraserhead.
Les membres du jury du festival