La bande à Baader 14


baader

A la fin des années 60, l’Europe politique est en bordel, la gauche parlementaire débordée de partout par des post hippies molotovs anarcho moscovites. L’activiste Andreas Baader et la journaliste Ulrike Meinhof forment  clandestinement la RAF, une fort romantique « Fraction Armée Rouge », entraînée en Jordanie dans des camps de guérilleros palestiniens et destinée à braquer des banques, faire péter des militaires et tracter la bonne parole
(le tout en vue de faire triompher la révolution mondiale). L’arrestation des zozos, puis les conditions de leur détention, seront à l’origine de nouveaux groupes armés, échafaudant des attentats pour tâcher d’obtenir, en
vain, leur libération. Ca commence à Berlin en 67, ça finit sur un tarmac somalien en 77, avec le massacre d’activistes arabes par le mossad dans un 747 détourné. Entre temps : de la bière, du sexe, des kalash, de la nitro et des pamphlets tapés à la machine.

*

baader2Rien ne nous sera épargné en 2h20 de cette fiction documentaire teutonne, montée à la bim bam boum pour draguer le chaland. Ni le romantisme effréné de Baader et ses potes (ils squattent dans une bicoque étonnamment semblable
à celle du projet chaos de Fight Club), ni l’esthétisation de la violence (on sent le goût du réal pour le film d’action – pas le traitement idéal quand on cherche à donner une portée politique aux affrontements). On ne coupera pas non plus au décès pathétique du héros sacrifié, à la scène de cul floutée, aux surlignage des séquances à coups de pop pompier, au montage kaléidoscope d’images d’archives… Que des clichés, de fond en comble, pour une forme blockbuster qui gâche le sujet, quand elle ne le contredit pas purement.

L’effacement de tout propos est un corollaire de cette forme creuse. Le projet du réalisateur est opaque, ses intentions et son point de vue insaisissable. Du coup Baader, Meinhof et les autres – gens bien vivants, figures historiques, symboles pour certains ont pris les armes – deviennent des personnages, des archétypes, des caricatures. Leurs actions sont incompréhensibles. Le réel lui-même, la trame politique de cette décennie, est finalement éludé. Les années 70 sont entrées dans la fiction par la porte du spectacle et il ne reste rien de la complexité des évènements, de
la subtilité d’un contexte. Uli Edel n’explique rien, ne comprend rien, ne montre rien. Les seuls moments d’émotion peuvent naître des brefs extraits de journaux télé d’époque, le seul lien avec quelque chose de l’ordre du réel, ou du vrai. Pour le reste, ce récit à l’électroencéphalogramme définitivement plat. Avec un petit creux sur la toute fin, quand s’esquisse la seule idée lisible du récit : il y aurait filiation entre RAF d’antan et Al Qaeda d’aujourd’hui. On applaudit des deux mains à la finesse de cette analyse.

La Bande à Baader est une bouse d’autant plus navrante que le sujet qu’elle oublie de traiter est captivant. Alors, au lieu de perdre son temps devant ce maladroit diorama fané, on lorgnera plutôt du côté du « Bunjiorno, notte » de Marco Bellocchio (l’enlèvement d’Aldo Moro par les Brigades Rouges), pas parfait mais autrement subtil et intéressant; du « Le Fond de l’air est rouge » de Chris Marker (1968, de Prague jusqu’à Mexico) voire de « L’avocat de la terreur » de Schroeder (son docu sur Verges) dans lequel on revient un peu plus en détail sur la collusion des terrorismes dans les années 70.
Pour ce qui est de la France, dans un genre radical, on ne passera pas à côté du petit roman de Manchette titré « Nada », dans lequel des pseudo Action Direct enlèvent l’ambassadeur des Etats-Unis : il y a un contexte, une subtilité dialectique, des personnages, un rapport à l’histoire. C’est une pure fiction ? Bizarre, ça n’a pourtant pas ce goût de carton bouilli de « La Bande à Baader ».

*

La Bande à Baader est un flim de Uli Edel daté de 2008 et publié en vidéo en 2009 par Metropolitan Vidéo. Il y a Martina Gedeck et Moritz Bleibtreu qui jouent dedans, Janis Joplin et Bob Dylan y chantent chacun une chanson aux
génériques.


A propos de Jérôme

toute-puissance mégalomaniaque, oeil de Sauron, assoiffé de pouvoir et d’argent, Jérôme est le father de big brother, unique et multiple à la fois, indivisible et multitude, doué d’ubiquité. Il contrôle Cinétrange, en manipulant l’âme des rédacteurs comme des marionnettes de chiffons. Passionné de guerre, il collectionne les fusils mitrailleurs. Le famas français occupe une place d’exception dans son coeur. C’est aussi un père aimant et un scientifique spécialisé dans les nouvelles technologies de l’information. Pour faire tout cela, il a huit doppel gangers, dont deux maléfiques. Il habite au centre du monde, c’est-à-dire près de Colmar.

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14 commentaires sur “La bande à Baader

  • manu

    Pas vu! mais dans le genre faussement subversif et vraiment idiot je recommande (enfin façon de parler) La vague, sorte de jeu de rôle sur le fascisme. Un film bêta qui pense sérieusement qu’un régime autocratique se construit sur une forme et non sur un fond idéologique. Il faut le voir pour le croire. Un prof transforme en une semaine des étudiants pas plus con que la moyenne en petit fasho de service en utilisant la base du jeu de rôle Parait que c’est adapté d’un histoire vraie qui s’est déroulé aux EU dans les années 60. A vérifier!

    Sinon Uli Edel a tout de même commis le ridicule thriller Body avec Madonna et le tristement complaisant Moi Christiane F droguée prostituée, une vraie putasserie moralisatrice. C’était juste pour l’info.
    Son seul film correct doit être Last exit to Brooklynn

  • jerome Auteur de l’article

    Mouais. Bon. J’avais bien apprécié la bande à baader mais je ne sais plus pourquoi.

    La vague aussi, j’avais bien aimé. J’ai pas compris ton argument du fond et de la forme. Ca commence par la « forme » mais après ça tient plus de comportements et du fait d’ériger une communauté en élite dont les membres sont solidaires. C’est vrai qu’il n’y a pas d’idéologie mais pour la cible visée (des lycéens), ça me semble pas forcément nécessaire pour être crédible.

    J’aime bien ces films car ils montrent que les allemands n’ont pas froid aux yeux quand il s’agit de remuer un peu leur Histoire. Bien sûr, nous aussi nous avons nos grandes critiques socio-politiques (les Ch’tis et Astérix).

  • manu

    L’ambition de la Vague, enfin il me semble, c’est de montrer qu’un régime autocratique peut renaître de ces cendres n’importe quand. Ce qui est vrai d’ailleurs. Je trouve juste que le film brasse beaucoup de clichés sur la jeunesse, assénant que l’on peut formater des lycéens en une semaine. je n’y crois pas beaucoup. Le film est basée sur une histoire vraie mais après vérification cette histoire s’est déroulé dans des conditions particulières dans un contexte plus expérimental. La vague ne remue pas vraiment l’histoire. Au mieux, il s’agit d’une critique des jeux de rôle.

  • manu

    Il faut voir sur le terrorisme allemand, Troisième génération de Fassbinder, un film émouvant et subtil sur l’engagement. Et puis le film italien de Bellochio sur l’enlèvement d’Aldo Moro , Buongiorno notte..

  • Jerome

    ok pour le délai d’une semaine qui semble en effet un peu court. Je n’avais pas compris que l’histoire s’étalait sur une semaine seulement dans le film.

    Fais gaffe avec les rôlistes. J’ai vu qu’il s’agissait plutôt de simulation grandeur nature…

    Il y a des clichés mais je me demande dans quelle mesure ce ne sont que des clichés…

  • Pierre

    Je trouve honteux de cracher sur ce film. Monsieur nous la joue faussement cultivé quand on écrit cet article d’un style « poubelle ». Le film n’est peut-être pas parfait mais est loin d’être une « bouse » comme vous dites. De faux chroniqueurs comme vous devraient remballer leur matériel et arrêter d’écrire.
    J’incite les gens à le voir, qu’ils aiment ou pas ce sont leurs opinions, mais il faut respecter le film et ce qui l’ont fait.
    Remballez votre article et arrêtez d’écrire!

  • Damien

    « arrêtez d’écrire! », rien que ça !

    Non mais ça va là, tu te crois où ?

    Arrêtes de lire plutôt, ça sera plus simple. Et apprends à argumenter aussi, ça sera pas du luxe…

  • Léo

    En train de mater le CARLOS d’Assayas (la version mini-série, quatre heures et demie de film). Beaucoup plus précis, tenu, documenté, intéressant que Baader, sur un sujet presque parallèle (on croise des rouges allemands dans les camps yéménites). Quantité d’épisodes incroyables, refoulés de l’histoire politique européenne. C’est tout à fait captivant et ça coûte pas grand chose (une vingtaine d’euros le coffret).

  • Baader

    Comment oser faire un blog cinématographie alors que tu n’as aucun goût et aucun sens de la critique. T’as pas aimé c’est bien pour toi mais ça fait pas de ce film une bouse … (que je considère comme un très bon film).
    Aller va te faire foutre et j’espère qu’un maximum de personne pourrons lire ce message avant que tu l’efface car tu aimes blâmer mais pas te faire blâmer j’imagine.
    Bye abruti

  • Léo

    Il y a 684 mots dans ce papier autour du mot « bouse ».
    Ami lecteur, sauras-tu les retrouver ?

  • Damien

    Ouais ! Des commentaires haineux, des insultes ! Cool, la gloire est proche !

    Continuez comme ça, on en veut plus !!

  • Viktor Alexis

    XD XD XD ça remue dîtes donc.
    oui il faudrait encadrer certains commentaires haineux, mais surtout organiser une rencontre pour faire une ptite partie de ping pong ^^
    pas vu la bande à baader. j’ai vu La Vague. ça ne m’a pas plu car je trouvais le scénario maladroit. on m’a dit « le scénario c’est une histoire vraie, tu peux pas dire que c’est maladroit ». faux. d’abord l’histoire a été modifiée sur beaucoup de points, et ensuite un scénario ce n’est pas un calque de la réalité, c’est une adaptation. et c’est donc une écriture. dans le genre film qui remue la société, on préfèrera tout de même Amoklauf d’Uwe Boll, même si ça ne raconte pas la même chose… mais je parle de ce film car récemment vu et méchamment encaissé dans le postérieur à sec.